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ET LA GUERRE CRÉA LA FEMME

Avouons-le : il n’est pas une forme de domination qui n’ait l’air bricolée, qui ne soit chancelante, constamment menacée. Pas une ? SI ! UNE ! Irréductible village autocrate qui résiste et défie orgueilleusement l’envahisseur démocrate : la domination patriarcale.

AHHHH ! Ça mes amis c’est solidement charpenté par des millénaires d’idéologie et de pratique, si puissamment ancré dans les têtes, les corps et les mœurs que je souhaite bon courage aux ci-devant démocrates pour aller extirper ces solides racines.

Ce qui me fascine c’est comment diable ma noble gent a t-elle pu ainsi s’imposer presque partout sur Terre ? Car les cas documentés de sociétés matriarcales ou plus ou moins mixtes quant à la répartition des pouvoirs constituent de rares exceptions [1] dans l’océan quasi-universel du patriarcat .

Patriarcat depuis la nuit des temps ?

Les historiennes et préhistoriennes revisitent notre passé pour pourfendre les doux préjugés de notre enfance : cromagnon dérouillant ses femelles cantonnées à la cueillette ou à la grotte à surveiller la marmaille et le frichti de mammouth ? Las ! Un pur fantasme machiste qu’aucune preuve paléontologique n’atteste. Pour l’instant rien ne permet de dire si la préhistoire était patriarcale, matriarcale, égalitariste ou autre !

Les choses se gâtent au néolithique où les squelettes de femmes du peuple témoignent de violences et traumatismes abondants, de carences alimentaires (en protéines notamment) plus fortes que chez les hommes. Le nombre de grossesses augmentent avec la sédentarisation allant de pair avec les morts en couche (facilitées par un possible rabougrissement des femmes). Premières traces connues du patriarcat [2].

On peut donc supposer que le patriarcat naît avec la néolithisation. Mais la démonstration est incomplète. Ses origines pourraient être antérieures. Ou pas !

Et reste la question : pourquoi et comment s’est-il imposé à l’ensemble de la planète ? Que ce soit par diffusion/conquête culturelle (dans une période du passé qui resterait donc à déterminer) ou à plus forte raison si on le suppose avoir été à l’œuvre de tout temps et partout…

Le fait social universel : rarissime et obsédant

Je le répète : la nature humaine n’existe pas. Et l’anthropologie nous le montre clairement : la capacité de l’humain à créer des sociétés complètement différentes dépasse ce qu’aucun d’entre nous n’aurait osé imaginé. POURTANT il existe quelques rarissimes faits sociaux universels : prohibition de l’inceste, existence de règles de « mariage »et de filiation. Ces prohibitions et règles sont dans le détail extrêmement différentes d’une société à l’autre, mais leur existence est systématiquement attestée, sans qu’aucune société ne fasse exception.

Les anthropologues se sont alors échiné à comprendre pourquoi : pourquoi toute société humaine se dote de ces quelques normes sociales universelles ? Présence universelle qui dénote et choque alors que pour tout le reste c’est la dissemblance culturelle qui semble régner sur le globe.

Il fallut trouver une cause impérative pour justifier cette universelle présence : la nécessité sociale de perpétuer le groupe [3].. Ce qui passe forcément par la procréation et de manière moins immédiatement évidente : par l’alliance à d’autres groupes : pour l’espèce humaine comme pour tous les primates, pas de salut sans collaboration (entre individus au sein du groupe, entre groupes au sein de l’espèce).

Et l’alliance ne se forge qu’en nouant les groupes entre eux, par l’échange de partenaires (pour la procréation).

Un seul autre fait social est quasi universel : le patriarcat. Les auteurs postulent donc qu’il a maille à partir avec ce qui vient d’être énoncé. Mais ils croient avoir répondu en disant que ce sont les femmes qui donnent la vie et que ce sont donc nécessairement elles que l’on échange…

Mesdames et messieurs les anthropologues permettez à l’Empereur galactique d’étendre son règne jusque dans votre science : je m’excuse mais vous avez laissé un angle mort, vous n’expliquez pas tout !

En quoi la femme donne plus la vie que l’homme s’il-vous-plaît ? Dirait-on cela des saumons qui femelles comme mâles éjectent leur semence dans la rivière en quantité prodigieuse (puis laissent les embryons se débrouiller) ? Dirait-on cela de l’hippocampe mâle qui porte les petits ? Ou le dirait-on des manchots empereur mâles qui assurent équitablement le soin porté à l’œuf puis au jeune ?

Alors qu’est-ce qui explique que pour sceller des alliances entre groupes humains, la seule solution durable ait été d’échanger des femmes et non pas des hommes ?

La raison je vous la donne : le facteur limitant dans la reproduction humaine c’est le nombre d’utérus disponibles : un seul homme fertile peut féconder de très nombreuses partenaires en très peu de temps, alors qu’une femme ne peut porter qu’un enfant à la fois tout cela avec un de temps de gestation et d’allaitement relativement long.

Les écologues le savent, les historiens des guerres pré-modernes aussi : on ne régule pas une population en tuant les mâles : c’est au contraire le nombre de femelles qu’il faut contrôler pour parvenir à réguler l’ensemble de la population.

Faisons une expérience de pensée : imaginons une humanité où il y aurait comme chez nous à peu près autant d’hommes que de femmes, des gestations de 9 mois, et des allaitements durant de quelques mois jusqu’à trois ans. MAIS imaginons que les hommes ne produisent qu’un seul spermatozoïde tous les quatre ans. Alors ce seraient les hommes qui deviendraient le facteur limitant de la reproduction humaine. Et peu importe qu’ils portent ou ne portent pas le bébé. Fort à parier que comprenant très bien leur rôle crucial de facteur limitant dans la reproduction, de telles communautés humaines verraient alors les hommes comme une « ressource » précieuse : on limiterait fortement leurs chances d’aller se faire trucider (pour éviter de dilapider inconsidérément les capacités de reproduction du groupe). Gageons que dans cette société ce seraient les femmes qui assumeraient l’essentiel de la guerre. Et que ce seraient les hommes que les groupes humains s’échangeraient entre eux.

Je postule donc qu’à l’origine du patriarcat se trouve le fait que les femmes constituent le facteur limitant de la reproduction humaine.

Tout cela possiblement accentué par une possible compétition territoriale entre groupes, exacerbée à compter du moment où l’humanité avait occupé tous les territoires vierges et que les communautés humaines n’avaient d’autre échappatoire que de se heurter les unes aux autres. Époque qui correspond – est-ce un hasard ? – au tournant du néolithique.

CHALK DROP !

Que va t-il advenir de nous Messieurs ? Il est fini le temps où la principale force d’une nation était d’avoir une population importante. On commence même à regarder d’un mauvais œil les pays qui laissent leur démographie galoper alors qu’au même moment l’humanité s’enfonce dans la crise écologique. D’ailleurs les projections annoncent le pic et le début de la décrue démographique mondiale pour d’ici quelques décennies seulement.

Mais je ne m’inquiète qu’à moitié : on l’a vu en occident, même si le contrôle de la fécondité est tombé en désuétude, le patriarcat ne s’est pas effondré pour autant : les féministes ont certes conquis un peu plus d’émancipation mais elles ne se sont pas complètement libéré de notre joug, loin s’en faut. Le train du patriarcat est un lourd véhicule ontologique, lancé à une vitesse folle, vitesse acquise et renforcée au cours de plusieurs millénaires de circulation. Le moteur est en panne ? Et alors !?! Avec l’inertie acquise nous ne sommes pas prêts de nous arrêter pour autant ! Bon courages mesdames les féministes, vous vouliez un monde nouveau ? L’enfantement va demander un travail laborieux…

***********

[1] La page wikipedia sur le matriarcat me semble manquer de sérieux. on trouvera quelques pistes plus sérieuses dans le livre cité en troisième références. On pourra également consulter le site suivant (Le matriarcat une utopie ?), quoique le propos mérite vérification et approfondissement. Enfin de manière beaucoup plus légère et divertissante mais offrant quelques noms de peuples sur lesquels il faudra s’enquérir : 10 exemples de « matriarcat »

[2] Pour une analyse de la préhistoire et du néolithique voire : Sortir la Femme préhistorique de l’Ombre, Marylène Pathou-Mathis

[3] Citons la grande anthropologue Françoise Héritier : « La parenté est la matrice générale des rapports sociaux. L’homme est un être qui vit en société ; la société n’existe que divisée en groupes, fondés sur la parenté et surmontant cette division originelle par la coopération. L’institution primaire qui ouvre à la solidarité entre groupes est le mariage. Un groupe qui ne compterait que sur ses propres forces internes pour se reproduire biologiquement […je raccourcis car Françoise prend ici des raccourcis gênants…] serait conduit à disparaître […idem !]. L’échange des femmes entre les groupes est l’échange de la vie puisque les femmes donnent les enfants et leur pouvoir de fécondité à d’autres qu’à leur proche [ici Héritier sent que se trouve le nœud de l’Histoire, mais ne va pas jusqu’au bout du questionnement : pourquoi voit-on les femmes comme donnant plus la vie que les hommes ? pourquoi les rôles ne pèsent pas, ne peuvent pas peser pareil ?].
Le maillon fondamental de la domination masculine, articulé sur les contraintes économiques du partage des tâches, est sans doute là : dans le renoncement mutuel des hommes à bénéficier de la fécondité de leurs filles et de leurs sœurs, des femmes de leur groupe, au bénéfice de groupes étrangers. La loi d’exogamie qui fonde toute société doit être entendue comme la loi d’échange des femmes et de leur pouvoir de fécondité entre les hommes [et je réitère ma critique : pourquoi échange des femmes et pas échange des hommes ? Héritier manque ici d’expliciter une caractéristique biologico-écologique humaine essentielle, explicitation qui permettrait enfin d’apporter une lumière complète, voir la suite de cet impérial article !]« . In Masculin/Féminin I, page 232, éd. Odile Jacob, 2002.

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LA PUBLICITÉ VOUS RÉGIT

La théorie économie orthodoxe nous dit que la publicité n’est qu’un simple service d’information au consommateur. Nous le savions déjà : les économistes orthodoxes sont d’une mauvaise foi qui frôle la stupidité.

La publicité cherche à influencer le consommateur. Pour lui faire acheter plus, ou lui faire acheter autre chose que ce qu’il aurait spontanément fait, ou changer ses représentations.

Clamer que nous serions imperméables à son matraquage omniprésent est pour le moins osé. Évidemment vous vous dites que VOUS, vous ne vous y laissez pas prendre. Vous avez tort : l’exception, c’est moi, l’Empereur omniscient au brillant cerveau indomptable. Ah ah les andouilles ! Comme s’il suffisait d’une réclame de sabre-lasers écarlates pour aller m’en faire acheter un. Alors que je sais très bien, moi, que je voulais en changer ! Et puis non mais au secours !? Regardez-moi ce vieux laser rubis, c’est sooooo old republic ! 

Hum hum bref…

Des économistes se sont amusé à chiffrer que la publicité ferait augmenter la consommation de 6,8 %[1]. J’aurais dit 6,876 % personnellement, mais bon…

Enfin clamer que les consommateurs ne s’y laissent pas prendre revient à soutenir que chaque année les milliards investis en publicité par les entreprises [2] le sont en pure perte. Il faudrait donc tout à la fois croire les consommateurs parfaitement intelligents et les patrons d’entreprises parfaitement stupides…

Conclusion (divulgalerte)  : la publicité nous influence bel et bien.

La question cruciale serait plutôt : pourquoi nous laissons-nous faire ?

Et l’on retrouve les brillants économistes orthodoxes, qui faute de nous avoir convaincu une première fois changent leur fusil d’épaule : les agents économiques (entendez : nous autres consommateurs) sont parfaitement rationnels (rien que ça !) donc s’ils se laissent faire, c’est qu’ils doivent y trouver leur intérêt par ailleurs.

Et dans ce « par ailleurs » j’ai vu y mettre à peu près tout et n’importe quoi : création d’emplois, financement des médias, financement de services et contenus qui peuvent alors être rendus gratuits au consommateur, épanouissement personnel dans la consommation ou encore défense de la publicité comme produit culturel en soi qui mérite d’exister.

Ce délicieux pot-pourris de balivernes mérite un article entier pour être battu en brèche. Patience !Mais une fois cela accompli, restera entière la question : pourquoi les « démocraties » acceptent-elles la simple existence de la publicité ?

Interdire la publicité, mon Dieu vous n’y pensez pas ?!
Moi non, mais les démocrates non plus ! Surprenant ? Peut-être si vous preniez encore les démocrates pour des audacieux…

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[1] Alternatives Économiques, mars 2021, Et si on imaginait un monde sans pub, page 28. Citant une étude états-unienne portant sur la période 1975-2006 et se fondant sur l’évolution de la consommation des produits en fonction de l’intensité de la promotion dont ils font l’objet

[2]Ibid, en 2018 cela représente 33 milliards d’euros en France soit 1,4 % de son PIB. Au niveau mondial les chiffres seraient de l’ordre de 600 milliards d’US$ soit 0,7 % du PIB mondial (données wikipedia, page en français sur la publicité).

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NÉO is the new RÉTRO

Attention derrière toi une révolution !

Ah ah non je plaisante. Mais remarquez il n’y pas de quoi avoir peur : toutes les révolutions ne sont pas là pour mettre à bas les dictateurs, il y en a même qui en érigent. Ah le charme des révolutions usurpées ! Mais laissons les de côté pour aujourd’hui, car ce dont j’aimerais vous entretenir est bien plus primordial dans l’Histoire humaine : Mesdames et Messieurs jetons un œil à LA grande révolution qui propulsa l’humanité dans l’âge de la dictature : la révolution…néolithique !

Rappelons tout d’abord le point de vue historique classique selon lequel la révolution néolithique est une révolution technologique (à savoir pour l’essentiel : agriculture, élevage, poterie) qui amena des bouleversements sociaux (sédentarisation, apparition des premières villes, stratification sociale). En bref : la technologie nous tombe dessus, et la société en ressort métamorphosée.

Et maintenant le point de vue subversif : l’humanité n’aurait pas patienté 150 000 ans avant de faire d’un coup toutes ces découvertes. Non durant tout ce temps l’humanité n’aurait tout simplement…pas vu l’intérêt de les faire !

Ce qui vous paraîtra absurde si vous croyez encore à l’image d’Épinal des Cro-Magnon comme pauvres nomades errants, grelottant de froid, traqués par les tigres à dents de sabre et les hyènes et sans cesse inquiets du lendemain, image allant de pair avec celle des premiers fermiers vus comme des pionniers, laborieux bienfaiteurs de l’humanité qui d’invention en invention parvinrent à améliorer son sort.

Il est désormais établi que le tableau est exactement inverse. Les humains préhistoriques vivant de chasse et cueillette connaissaient une espérance de vie de plus de 60 ans[1] et jouissaient d’une assez bonne santé. Pour retrouver un tel niveau, il faudra attendre, en France… le milieu du XXème siècle  ![2] Par ailleurs il semble qu’ils disposaient de beaucoup de temps libre… plus que dans nos sociétés modernes (y compris avec les RTT de Martine) ![3] Quant à eux, les premiers humains vivant d’agriculture et d’élevage virent leur espérance de vie chuter à 40 ans, parfois moins. Leur régime alimentaire était moins équilibré et ils souffraient de grave carences nutritives. La concentration des populations dans des villages créa d’effroyables problèmes d’hygiène (liés à la concentration des excréments et des miasmes) avec l’apparition et la propagation de la plupart des maladies contagieuses passées et actuelles. Chaque femme mettait au monde plus d’enfants, avec les risques afférant de mort en couche.

Si la révolution néolithique a rendu si misérables les humains pourquoi l’ont-ils faite ? Et une fois les dégâts constatés, pourquoi n’ont-ils pas fait machine arrière ? Et pourquoi ont-ils prospéré tandis que les bienheureux chasseurs-cueilleurs régressaient au point de ne plus survivre que par poches ci et là ?

L’agriculture et l’élevage ne procuraient qu’un seul avantage, mais il était de taille : un même territoire pouvait nourrir plus de bouches. Il est vraisemblable que la multiplication démographique des premiers fermiers a tout simplement submergé les chasseurs-cueilleurs. Mais ce mouvement une fois enclenché, il était impossible de faire marche arrière : si un territoire qui ne pouvait nourrir que 100 chasseurs-cueilleurs abritait désormais 120 agriculteurs comment rebrousser chemin ? Qu’allait-on faire des 20 individus « surnuméraires » ? Et comment résister à la pression démographique (et probablement guerrière) des villages d’agriculteurs voisins si l’on retournait vers une société de chasseurs-cueilleurs moins dense et moins peuplée ?

En outre, ces changements se sont sans doute produits sur une très longue durée : centaines voire milliers d’années peut-être. D’une génération à l’autre les évolutions ont pu sembler imperceptibles. Et le piège de la vie fermière se referma alors comme un nœud coulant sur l’humanité.

Mais les historiens qui soutiennent cette thèse de l’évolution technologique lente et insidieuse continuent de penser, implicitement peut-être même inconsciemment, que c’est la technologie qui a bouleversé la société.

Or une thèse bien plus subversive imagine que la véritable révolution de l’époque fut…idéologique : s’appuyant sur l’expérience anthropologiques de populations de chasseurs-cueilleurs récentes voire contemporaines, les auteurs avancent que la découverte de l’agriculture et de l’élevage n’est pas fortuite mais volontaire : si les chasseurs-cueilleurs étudiés ne pratiquent pas l’élevage ou l’agriculture ce n’est pas par méconnaissance (ils sont souvent des écologues hors-pair) ni par manque d’inventivité (l’inventivité et l’observation sont le propre de la chasse et partant des chasseurs), c’est par choix. Quelques exemples en attestent : malgré les enseignements et les exhortations de divers missionnaires, les « sauvages » amazoniens refusèrent de pratiquer l’élevage ; malgré le fait que tout s’y prête, que du gibier capturé a été enfermé en enclos et nourri pour faire office de garde-manger sur pattes, le passage à l’étape suivante (sélection et reproduction contrôlée du bétail) ne s’opère pas chez les amazoniens récents.

L’élevage fait horreur aux « sauvages ». L’agriculture céréalière également. Car qui dit élevage dit soumission, contrôle, domination. Comme l’agriculture il implique une sélection des traits physique et de caractère par le contrôle de la reproduction. L’agriculture et l’élevage sont perçus par les « sauvages » avec le même effroi que les consciences occidentales ont pour l’eugénisme.

On a retracé que l’élevage s’est traduit par une diminution sensible de la taille des cerveaux et des capacités cognitives des animaux. De la même manière l’agriculture céréalière a impliqué une telle modification des plantes qu’elles ne sont bien souvent plus capables de survivre durablement par elles-mêmes, sans les soins portés par les humains.[4]

Ce que les pionniers du néolithique ont inventé, c’est l’idéologie qui veut qu’il y est des êtres inférieurs et d’autres supérieurs. Corollaire logique : les êtres supérieurs doivent régner sur les êtres inférieurs. Évidemment, qui ces révolutionnaires ont-ils placé au sommet de la hiérarchie ? L’humain bien sûr. Tout était prêt : il était désormais dans l’ordre des choses que les plantes et animaux soient soumis, contrôlés, modifiés au bénéfice de ceux qui se proclamaient au-dessus d’eux.

Créant du bétail avili et des plantes dégénérées toujours plus dépendants de ses soins, la fraction révolutionnaire de l’humanité néolithique a peu à peu forgé un monde qui correspondait à la vision qu’elle voulait en avoir : vision du monde auto-réalisatrice et auto-justificatrice.

Le chemin dessiné ouvrait la voie : une fois clairement établi l’existence d’inférieurs et de supérieurs il fallait se demander si les humains entre eux n’étaient pas aussi hiérarchisables[6]. Si les hommes n’étaient pas supérieurs aux femmes ? Les chefs supérieurs à la plèbe ? Et vous connaissez la suite.

Finalement ces historiens et anthropologues sont de braves types. Me voilà encore plus attendri que je ne l’étais devant cette noble humanité néolithique !

Ô mes lointains et nobles devanciers ! Comment vous remercier d’avoir su, du tréfonds des âges faire triompher cette révolution idéologique ? Merci mille mercis ! Merci pour la hiérarchie. Merci pour l’ordre des choses. Merci pour la domination. Merci pour ce malheur du plus grand nombre (incluant rien de moins que tout ce qui existe dans l’univers) et la jouissance de quelques uns, intrépides individus devenus – enfin ! – chefs, bientôt rois, et à quelques petits millénaires de là IMPERATOR GALACTICUS !




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[1]Y. Hariri, Sapiens, quelque part dans le chapitre sur la préhistoire (qui est à dévorer)

[2] Il me faut tricher un peu : je ne parviens pas à mettre la main sur l’espérance de vie à un an (foutue INSEE !). Je ne dispose que de l’espérance de vie à la naissance, qui est donc rabotée par la mortalité infantile (je ne saurais dire de combien d’années est le coup de rabot). En attendant cela donne, en 1946, pour les hommes français, une espérance de vie à la naissance de 60 ans. L’espérance de vie indiquée par les préhistoriens (qu’il s’agisse des populations chasseuses-cueilleuses ou bien agricoles) est plutôt une longévité moyenne observée, qui ne tient pas ou peu compte de la (forte) mortalité infantile.

[3] Concernant l’époque de cocagne préhistorique voir Sahlins, Âge de pierre, âge d’abondance, 1976

[4] si vous ne croyez pas votre empereur sur parole, on pourra citer parmi moult autres exemples le cas du petit épeautre

[6]« […][dans un bref article publié en 1962, aussi discret que révolutionnaire […] André Georges Haudricourt […] avance que les relations originelles qu’une société entretient avec les animaux constitue souvent un modèle des relations qu’elle met en place entre humains.[…]par exemple l’exploitation du bétail constituerait une origine de l’esclavage. »
Citation tirée de Baptiste Morizot, Manières d’Être Vivant, p184
citant lui-même André-Georges Haudricourt, Domestication des Animaux, culture des plantes et traitement d’autrui, 1962, article paru dans L’Homme, t.II, n°1, 1960, p40-50

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Pouvoir économique

L’ENTREPRISE À SON PROPRE JEU

Avec une grave solennité, ainsi s’adresse la République à ses enfants :
« Ô noble jeunesse, futurs citoyens, chérissez votre liberté ! Défendez âprement votre égalité ! Soyez moteurs de la cité, critiques, indépendants ! Et quand vous accéderez à la vie active obéissez au patron car sinon vous aurez le code du travail contre vous. »

Pour l’effet comique la première injonction pourrait suffire. Le citoyen actif ! Il y a décidément des blagues qui ne vieillissent pas, ou presque… Mais à cette ironie (certes un peu éventée) j’avoue préférer la loufoquerie absurde qui boucle le tout. Ce discours sentencieux qui se saborde et sombre dans la plus grotesque contradiction… impayable ! Non vraiment la « démocratie libérale » recèle, outre son intitulé, des trésors d’humour.

J’aurais presque de la compassion pour ces pauvres citoyennes et citoyens écartelés par les injonctions contradictoires. Féodalisme au travail ! Agora dans les interstices ! Il faut tout de même avoir l’échine souple pour réussir à se contorsionner ainsi plusieurs fois par jour…***

Qu’ai-je dit ?!? Déjà j’entends la meute hurler à la mort : « Et sans un chef qui décide, vous pouvez me dire comment va tourner une entreprise ? »

Mieux.
C’est ce qui est délicieux avec tous ces auto-proclamés « réalistes » : leur refus de se confronter aux faits. Car la sociologie a abondamment étudié, documenté, analysé et tranché la question: quand est-ce que le salarié est le plus efficace ? Quand il a le plus d’autonomie possible.

« Mais bien sûr ! Les patrons s’amusent à sacrifier de l’efficacité – donc in fine des profits – pour le seul plaisir de brimer ? »

Et bien…oui ! À tout prendre le patron capitaliste préférera le contrôle à l’efficacité. Absurde ? Non. C’est qu’il a compris la grande leçon : l’entreprise est une entité politique. Enfin je dis « compris » mais c’est exagérer de beaucoup l’intelligence de certains patrons. Les capitaines d’industrie du XIXème eux avaient compris : quand les ouvriers faisaient grève pour exiger des choses choquantes comme par exemple une journée de moins de douze heures, l’interdiction du travail infantile (et pour explorer les tout petits boyaux de charbon comment on fait hein?!?), ou une revalorisation des salaires la réponse était simplet et évidente : on faisait donner la troupe. Si par malheur la grève s’enkystait, se laissait-on dicter les conditions par la plèbe ? JAMAIS ! On fermait l’usine quitte à y sacrifier des profits, parfois sa fortune entière. Mais c’était le prix. Le prix assumé pour maintenir les gueux à leur place et la bourgeoisie à la sienne. Ça c’était une classe qui savait se défendre ! Pas de faux fuyants moraux ou intellectuels, on regardait la réalité droit dans les yeux !

Les patrons d’aujourd’hui…quelle pitié ! Pas tous évidemment : pour se hisser et se maintenir milliardaire il faut encore (et il faudra toujours) atteindre cette qualité-là de conscience politique, cette férocité qu’exige le vrai pouvoir. Mais quant au petit et moyen patronat…

Encore une fois c’est tout le problème des dictatures : elles s’échinent tant à gaver toute le monde de justifications fallacieuses qu’elles finissent par être encerclées de décérébrés, jusque dans leurs propres rangs.

Combien y en a t-il de ces chefs de service, petits ou gros directeurs qui croient sincèrement dans la vertu de leur management vétilleux et infantilisant ? Que c’est leur auguste « supervision » et leur cornacage incessant qui garantissent la cadence et l’efficacité ? Combien à vraiment croire que les employés seraient trop fainéants, trop bêtes ou trop inaptes pour s’organiser efficacement par eux-mêmes ? Comme si tout groupe humain laissé libre était voué au chaos…

L’entreprise est une entité politique. Dans son action extérieure comme dans sa vie intérieure. Et fort heureusement on maintient l’essentiel de l’humanité 8 heures par jour dans le féodalisme. Mais déjà je vois des coopératives toujours plus nombreuses et bien portantes ! Déjà le patronat allemand s’est fait arracher 50 % de voix aux conseils d’administration et tout le monde a fini par s’en satisfaire ! Et l’on réclame d’étendre cette odieuse façon aux industries françaises, qui seules encore savent être tenues (par les patrons de leurs patrons).

Autocrates libéraux, en vérité je vous le dis, prenez garde ! Cette génération ne passera pas que vous serez dépossédés de votre pouvoir si vous ne réagissez vite !

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Pouvoir des armes

QUE LA FAIBLESSE SOIT AVEC VOUS

Bolocratie : étym. du grec bolos-kratos. Exemple : république galactique où 200 000 milliards de citoyens se font putscher par un seul petit million de mercenaires.

Il est incontestable que la dictature est supérieure à la démocratie : elle ne se prend jamais pour acquise. Mesurez-vous ce que signifie ce qui-vive perpétuel ? C’est tout bonnement héroïque. Oui si noble dame Vigilance avait un héros, elle le choisirait sans hésiter parmi les dictateurs. C’est ce qui-vive sans relâche qui explique que les 6000 dernières années d’Histoire terriennes furent pour nous, et seulement quelques miettes à ces bouffons démocrates.

En même temps on ne nous fournit pas des adversaires à la hauteur. Laissez une ébauche de démocratie perdurer plus de deux générations et bingo ! Vous aurez un troupeau de citoyens satisfaits et confiants qui croient que c’est gagné pour toujours.

Les Suisses, ces joyeux calvinistes provinciaux et grippe-sous, méritent probablement les moqueries perpétuelles qu’ils essuient de la part des Français. Que voulez-vous ces derniers profitent d’avoir de l’esprit…à défaut de suite dans les idées.

Les Suisses ont opté pour la formule inverse : non seulement ils sont parmi les seuls européens à pouvoir à peu près se proclamer démocrates, mais ils se donnent les moyens de le rester : le service militaire suisse a toujours été unique en son genre : il dure toute la vie, et chaque citoyen possède une arme attitrée qui l’attend dans la caserne.

Je sais déjà les cris d’orfraie que pousseront les pacifistes de tout crin quant à l’idée de généraliser ailleurs ce système de garde républicaine. Je n’irai surtout pas contredire leur brillante et noble aspiration à la paix sur Terre et leur sacro-sainte exécration des armes : c’est à elles qu’on doit l’annexion des sudètes, puis l’annexion de l’Autriche, puis le démembrement et l’annexion de la Pologne et puisque toute honte doit être bue jusqu’à la lie : la blitz-défaite de la IIIème République française et son basculement en dictature satellite servile du système nazi. Bravo les pacifistes ! Voici un monde clairement plus joyeux !

Et pendant ce temps les Suisses ? Mobilisation générale et tout le monde sur le pied de guerre. Certes le terrain montagneux a toujours été un avantage notable pour eux. En attendant il y a des peuples qui jouent pleinement leurs avantages et d’autres qui les dilapident avec stupidité. Évidemment Hitler ne pouvait supporter ce « trou » en plein milieu du Reich fasciste (qui ne le menaçait nullement, neutralité oblige, mais faisait mauvaise impression tout de même) : il demanda à ses généraux de planifier une invasion de l’Helvétie. Réponse des hauts-gradés : il aurait fallu engager une dizaine de divisions, sans certitude de succès, et avec le risque très probable de lourdes pertes à la clé. Tout délirant de mégalomanie, tout infatué de ses succès (qui étaient surtout des défaites de ses piètres adversaires) le moustachu excité dû renoncer. Et la Suisse sauva sa démocratie, l’arme au poing… mais sans tirer un coup de feu.

Le nombre de « démocraties » qui ont succombé sous les armes – extérieures ou intérieures – est si élevé que je suis toujours fasciné de voir ces joyeux sectateurs du pouvoir par les urnes laisser celui des armes entre les mains de quelques généraux et de leur soldatesque servile (on leur a décapé le cerveau pour cela).

Le problème c’est que la vie est une bonne maîtresse : elle répète jusqu’à ce que l’erreur soit comprise puis rectifiée. Ce qui promet certes de nombreux et beaux putschs et de belles annexions à venir. Mais enfin il est probable que d’ici quelques centaines d’années ils finissent par retenir la leçon…

Certitude ? C’est vrai que de tous les arts, il en est un dont les démocrates ont repoussé les limites à une hauteur inimaginable : le running gag.

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MÉDIALOMANIE

On peut acheter les titres de presse comme des boîtes de petits pois. C’est sans doute que pour les « démocraties représentatives » tout cela a plus ou moins la même valeur.

On devrait pourtant avoir plus d’égard pour les petits pois. Est-ce bien raisonnable de laisser toutes ces belles conserves à la merci du plus offrant ? Qui vous dit qu’un jour l’essentiel des petits pois ne sera pas possédé par une poignée de milliardaires ?

Est-ce un mal me diront les plus angéliques ? Ces riches philanthropes, si une telle envie leur prenait, le ferait évidemment par pur amour désintéressé du petit pois, par abnégation envers les maraîchers.

Puis prenez une filière comme les petits pois, quoi de mieux pour garantir son indépendance  que de la racheter intégralement ?

Je ne sais pas moi, on pourrait juste faire un chèque par exemple non ? Non vraiment ? Bon ben non apparemment… Il faut croire que l’indépendance sous contrôle est de meilleure qualité que l’indépendance tout court.

Quoi ? ça ne prouve rien ? Les petits pois ne sont peut-être pas plus mauvais qu’avant ?

Il est vrai que sous la régence des milliardaires-philantropes les maraîchers autrefois chiches et décimés sont devenus prospères et pléthore, les conserveries qui vivaient à la diable croulent désormais sous les investissements, et quant aux cueillettes au long cours périlleuses et incertaines (mais seules capables de dégoter un petit pois d’exception) c’est bien simple : de mémoire de fourrageur on ne se souvient même plus à quand remonte la dernière fois qu’on les avait si généreusement financées !

Je me marre, je me moque mais bon : ce laisser-faire commercial sur les petits pois est regrettable. Mais fort heureusement il ne s’agit que de petits pois. Imaginez un peu le bazar s’il s’était agi du « quatrième pouvoir » si cher aux « démocraties représentatives ». Heureusement que ces merveilleux régimes sont assez sages pour ne pas abandonner ce bien si précieux aux mêmes lois du marché que celles qui régissent l’achat-vente des petits pois…

Vive les garde-fous ! Vive la liberté d’expression que la liberté de commercer ne saurait mettre à mal ! Vive la République ! Et vive la philanthropie !

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Penser le côté obscur

OBSESSION

Cette fascination pour les nazis tout de même…cela fait chaud au cœur ! Je ne parle évidemment pas des groupuscules nazillons peuplés au trois quarts de décérébrés. Non je parle de ces chers démocrates : soixante-quinze ans se sont écoulés et ils n’arrivent pas à penser à autre chose : leur littérature n’a jamais autant regorgé de Shoah, leurs universitaires ne cessent de se triturer le « trou noir de l’Histoire », et si fort peu croient que le swastika puisse vraiment revenir il y a comme qui dirait ? Un soupçon infime, de ces petits doutes résiduels qui vous chatouille désagréablement…
JE SAVOURE MON PETIT LAIT !

La raison de cette obsession, me demanderez-vous dans l’attente enfiévrée de mes Ténébreuses Lumières ? C’est je crois, qu’ils sentent, confusément, trèèèèèèèèès confusément – quelque part à la lisière de leur conscience ratatinée – qu’il y a quelque chose dans cette sombre histoire qu’ils n’ont pas dû bien comprendre, qu’ils n’ont toujours pas compris…

Ahhhh qu’il serait bon de pouvoir adhérer sans retenue à ceux qui taxent cette « barbarie nazie » d’épisode de folie collective, de démentielle sortie des rails ! Ou au moins pouvoir s’offrir ce demi-réconfort intellectuel que d’admettre une bonne fois pour toutes que cette ténébreuse et européenne aventure fasciste restera à jamais incompréhensible…

Sauf que ces foutues consciences veulent comprendre.
Et que cette envie-là est encore plus insistante que celle de botter en touche.

Et bien Messieurs-Dames les « démocrates », du haut de Sa suprême expérience du côté obscur l’Empereur est prêt à délivrer vos cerveaux de leurs angoisses historico-existentielles ! Alors vous voulez savoir ce qui vous obsède tant à propos de la période 1933-1945 ?

Ce n’était pas une sortie de rails.
Le nazisme n’était pas un accident de parcours de l’Histoire occidentale. Mais un de ses aboutissements logiques. L’occident a et a toujours eu deux ambitions constitutives, foncièrement contradictoires et pourtant pas forcément incompatibles, et le nazisme n’est rien d’autre que la tentative de mener à son terme l’une d’elles. Mais cette fois en pensant mûrement la chose, avec une cohérence complète, sans faux-semblant idéologiques, sans non plus d’atermoiements dans les moyens employés et leur mise à exécution… littéralement (hu ! hu ! hu !… Vous l’avez?).

Cette ambition clairement affichée, revendiquée avec fierté par les nazis, puis mise en œuvre rationnellement, avec méthode et détermination, cette ambition qui habite la civilisation occidentale depuis chacune des deux mille cinq cents et quelques années de son existence ?

C’est l’ambition de la suprématie. La volonté de domination. Le côté obscur de l’occident, aussi profondément enraciné en lui qu’il l’est en la Force.

Vous aviez loupé ça ?!? Il faut dire que les républicains sont rarement doués pour débusquer le Sith qu’ils ont sous le nez, si vous me permettez… Quant à débusquer celui qu’ils ont en eux !…

Les nazis ne voulaient plus ergoter ou jouer à passer pour ce qu’ils n’étaient pas. Alors que les empires coloniaux avaient encore besoin de se revendiquer civilisateurs (avec ce que cela impose, si ce n’est de retenue dans l’(ex)action, du moins d’escamotage de la (beaucoup plus sordide) réalité) ; alors que Napoléon avait besoin de se clamer révolutionnaire quand il n’était que le parachèvement de la contre-révolution thermidorienne ; alors que les conquistadors de toute l’Europe plantaient des croix et aspergeaient d’eau bénite à qui mieux-mieux quand il était évident pour tout le monde (et probablement pour eux-mêmes) qu’ils n’étaient que des mercenaires assoiffés d’or et de pouvoir ; enfin que dire qu’il n’y ait d’évident sur Rome ou sa bonne fille l’Église ? Et voilà nous y sommes presque, remontant ainsi de fil en aiguille, dans une remarquable continuité historique jusqu’à la racine de l’Occident, à ce tout petit pays dont tout est parti il y a 2600 ans, dont la pensée et l’Esthétique formaient un tout si solide que sa Force initiale s’est transmise comme un virus, mutant pour s’adapter mais se propageant avec succès jusqu’à habiter de nos jours un tiers de l’humanité (terrienne), et pas le moins puissants des tiers ! et dans ce petit recoin de méditerranée, à cette époque si reculée (et pourtant toujours si proche, si parlante!) on trouve déjà formulé le projet suprémaciste, explicité jusque dans ses détails les plus croustillants : Platon.

Ah mes amis il faut lire Platon ! Je sais que bon nombre d’entre vous ne s’en privent pas (tout en ayant la stupidité de l’avouer publiquement)[1] mais on ne citera jamais assez le primordial et méconnu Les Lois à compléter évidemment du mieux connu mais pas mieux lu La République. Résumons un peu la belle politique que Platon appelle de ses vœux :

  • le patriarcat pur et dur : si banal me direz-vous, mais si essentiel!
  • la propagande de masse, la pensée unique et les autodafés[2] : déjà pas mal pour l’époque ? Mais attendez un peu le génie visionnaire arrive…
  • l’eugénisme : splendide ! Si c’est pas la preuve du génie révolutionnaire ?!?)

TOUT Y EST JE VOUS DIS ! Et dire que dans les cours de philosophie de ces soi-disant « démocraties représentatives » on vante le « grand penseur » …mais OUI ! OUIIII ! Je n’aurais pas dit mieux !

Et l’autre ? me diront celles et ceux qui ne roupillent pas complètement.
L’autre quoi ?…diront les autres qui n’étant pas ceux qui ne roupillaient pas sont donc ceux qui…vous avez compris.

Et bien l’autre ambition constitutive de l’occident ?

Ah mais c’est que je n’ai plus la place dans cet article déjà trop long !



[1] L’élitisme platonicien malheureusement, n’est pas que de l’histoire ancienne : au XXIème siècle encore, il continue d’accabler l’humanité. Les auteurs de la politique étrangère des États-Unis, qui sont à l’origine des invasions impérialistes de l’Afghanistan et de l’Irak, sont connus pour être de grands disciples du philosophe politique Léo Strass, lui-même grand admirateur de Platon. « Les enseignement s de Strauss ont eu pour effet de convaincre les disciples de Strauss qu’ils font partie de l’élite dirigeante naturelle », indique Shadia Drury qui a beaucoup écrit sur les écrits de Strauss et ses conséquences. « Léo Strauss, continue t-elle, était fermement convaincu de l’efficacité et de l’utilité du mensonge en politique » et « justifiait ses positions en faisant référence au concept platonicien de noble mensonge ». L’influence straussienne n’est que trop visible dans l’usage par l’administration Bush de tromperies et de trucages flagrants pour convaincre les citoyens étatsuniens de la nécessité d’entrer en guerre contre l’Irak. « Les philosophes antiques pour lesquels Strauss avaient une prédilection pensaient que les masses n’étaient faites ni pour la vérité ni pour la liberté, et que leur offrir ces sublimes trésors revenait à donner de la confiture aux cochons. »
Clifford D.Conner, Histoire Populaire des Sciences, p 196 ; citant lui-même Shadia Drury, The Political Ideas of Leo Strauss ; Leo Strauss and the American Right et « Noble Lies and Perpetual War »



[2] […]Car en réalité il supposait que le gouvernement ne pouvait reposer que sur le mensonge et « voua sa vie » à l’élaboration de cette tromperie. Pour l’entretenir , Platon préconisait que l’on détruise les livres des mathématiciens ioniens et « que l’État impose son livre crapuleux [Les Lois] comme seule et unique source de doctrine. »
Clifford D.Conner, Histoire Populaire des Sciences, p194 ; citant lui-même Farrington, Science and Politics in the Ancient World, p126-127

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Penser le côté obscur Pouvoir éducatif

NATURE HUMAINE ?

L’autre soir je dînais avec mes généraux ; j’étais un peu ailleurs, laissant mes pensées vagabonder à leur gré. Pendant ce temps la conversation allait son train, je leur avait abandonné la bride sur le licol. Fatale erreur me direz-vous ! Et effectivement ces crétins n’ont pas loupé l’occasion : quelques minutes à peine et ces corniauds ont commencé à déblatérer sur la servilité inhérente au bas peuple…

La « nature humaine »… la belle ritournelle philosophique que voilà ! Quelle insulte envers mon auguste travail ! Alors Anakin est devenu Vador par la seule grâce de son microbiote peut-être ? Et la démocratie galactique de mille ans d’âge, elle s’est transformée en Empire tyrannique par l’action innée de son microbiote aussi !? Vous croyez que c’est « spontané » de voir mille milliards de citoyens-électeurs satisfaits et confiants se transformer en une horde avilie qui n’imagine plus rien d’autre que sa servilité ? Et en moins d’une génération je vous prie !

C’est bien le drame de la dictature : on s’échine tellement à fabriquer des abrutis…qu’on finit par en être encerclé soi-même !

Aussi les ai-je tous fait abattre. On ne casse pas le groove de l’Empereur.

Combien de fois faudra t-il vous le dire ?!?

Il n’y a pas de nature humaine bande d’incapables !

Bien sûr qu’il faut entretenir le petit peuple dans de tels préjugés ! Bien sûr qu’il va de votre devoir de lui conter de telles sornettes… mais vous avais-je pour autant autorisé à y croire ?!?

Me suis-je laissé emporter ? Peut-être. Mais c’est qu’il ne s’agit pas d’une question anodine. J’ose même avancer ceci : toute action politique – quel que soit le côté de la Force qui la meut – est conditionnée par cette seule question, et par la réponse qu’on y apporte : jusqu’à quel point peut-on faire changer l’être humain ?

D’un côté vous trouverez les gens « renseignés », qui savent bien, eux, que l’être humain est tel qu’il est, qu’il en a toujours été ainsi et que c’est pas demain la veille que ça changera alors remballez-moi vos grandes idées et vos grands projets ! Braves gens qui selon l’époque où ils sont nés proclameront la monarchie éternelle la veille de la Révolution, ou bien croiront la démocratie solidement établie à la veille d’un putsch militaire…

Et puis de l’autre côté il y a les rêveurs, les utopistes : démocrates, fascistes, émancipateurs, fanatiques religieux, communistes, totalitaires, anarchistes… Qu’ils œuvrent du côté obscur ou lumineux, dédiées à la vie intellectuelle ou à l’action, tous ces idéalistes sont convaincus d’une chose : l’être humain est hautement plastique.

Je vais vous conter un secret : la science leur donne raison.

Et je vais vous conter un deuxième secret : au fond, tout le monde le savait déjà !

Faites quatre mille kilomètres dans la direction de votre choix, ou bien, sans bouger d’où vous êtes rebroussez le temps de trois mille ans, même constat : vous débarquerez parmi des Homo Sapiens si étrangers à votre culture que vous serez en droit de les croire tombés d’une autre planète ! Et comment une humanité figée de toute éternité dans sa « nature » saurait-elle, au cours du temps et de l’espace, nous présenter des visages aussi prodigieusement différents ?

L’être humain est malléable à volonté. Et ainsi tout est possible. C’est ce qui a permis et explique le fascisme, le nazisme, tous les totalitarismes. C’est ce qui rend non pas seulement plausible, mais effectivement réalisable les utopies les plus révolutionnaires.

Que le côté obscur nous en préserve !

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Pouvoir économique

RICHESSE

Je ne comprends pas cette mode de l’oligarchie.

J’entends bien que le contexte est propice : un capitalisme débridé d’une part, et d’autre part une débandade idéologique d’où ne ressortent que des politiques sans vigueur…

Mais enfin quoi ?!? Les oligarques sont toujours décevants.

Si ce n’est pour le comique de répétition : parvenir aussi systématiquement à se saborder tient vraiment de la prouesse ! Cette racaille de Bonaparte qui chipe le pouvoir aux grands bourgeois de la IIème République, tous les Khodorkovski embastillés ou mis en fuite par ce si brave petit Poutine « qui ne nous fera pas de vague »… Que voulez-vous ? Il va Nous falloir finir par croire les mots du philosophe : le principal reproche que je fais à l’argent ? c’est qu’il est bête.

C’est que le milliardaire ne voit plus le monde que sous forme de poignées de dollars. Il est devenu inapte à comprendre que l’argent n’est que l’une des formes de pouvoir, certes fort puissante, mais au bout du bout incomplète. Comprenez mes chers petits que l’argent achète et corrompt pour faire exécuter par autrui. Mais l’argent n’exerce pas directement le pouvoir : il ne sait que fabriquer des hommes liges et s’offrir des mercenaires.

Or les vassaux peuvent s’avérer fourbes et trompeurs, jouer leur propre partie.

Or les mercenaires sont par définition achetables donc sans loyauté, et motivés par le seul appât du gain (ce qui est bien peu face à des désespérés aux abois, ou à un corps de résistants qui défend une patrie ou un idéal chevillé à l’âme).

Les oligarques n’ont que la puissance de l’argent, et cette puissance ne sait parler qu’aux bas instincts. C’est tout à la fois le génie et la limite du capitalisme : s’appuyer sur les vices mesquins de l’être humain. Reconnaissons-lui néanmoins d’avoir su faire cela comme aucun autre système ! Même un George Orwell, qui a compris cette douce tyrannie du confort et de la paresse et s’y oppose de toute son âme ne sait s’en préserver tout à fait…et les Orwell sont bien peu nombreux parmi les humains !

Bref : les oligarques ont de faibles vues et l’oligarchie est une forme mesquine de dictature, qui ne parvient pas en tant que telle à exercer un pouvoir absolu.

Mais reconnaissons tout de même cette incomparable capacité à saper et subvertir les ci-devant « démocraties » représentatives : l’argent achète les magistrats, les policiers, les hauts fonctionnaires, les hommes politiques, si ce n’est les partis entiers, les médias de masse et partant l’opinion publique.

Dans les cas extrêmes d’avilissement l’argent achète directement l’électeur, petit ou grand.

Enfin, et avant toute chose : l’argent achète les vies : celles de tous ces gueux qui doivent travailler pour subvenir à leurs besoins et dont on peut acheter des heures d’existence, des journées d’existence, des semaines, des mois, des années d’existence ! Et il peut faire le chantage de ses vies qu’il tient : « Baissez-moi ces impôts ou je délocalise l’usine ! Donnez-moi cette subvention ou je vais m’implanter chez le voisin plutôt que chez vous ! Ce juteux marché accordez-le moi ou je jette mille familles sur le carreau et je vous en accuserai publiquement !»

Et vous savez la meilleure : tout le monde le sait ! De toute éternité chacun sait que l’argent est puissance.

Alors je contemple cette question qui me fascine : pourquoi les démocrates les plus sincères autorisent-ils une telle inégalité de puissance entre les individus ? Que peuvent-ils espérer retirer de démocratique d’une telle concentration d’argent sur une même tête ?

À leur place l’existence du moindre milliardaire me laisserait insomniaque.
Celle du moindre millionnaire ne me laisserait dormir que d’un œil…

Et ils dorment comme des bienheureux !

Finalement, on a peut-être trouvé plus bête encore que les oligarques !

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Penser le côté obscur

LA ROUE DE L’HISTOIRE…

n’est PAS une cage à hamster !

C’est la honte de notre profession, que d’avoir laissé à des démocrates la primauté d’inventer ces formules parfaites du totalitarisme : 1984, Le Meilleur des Mondes.

Bien sûr il est de notre devoir de railler publiquement les intellectuels et les puissances de l’imagination, mais quelle courtesse de vue que de gober notre propre propagande ! C’est l’imagination qui transcende l’être humain, qui lui permet de se dépasser dans le bien comme dans le mal, et d’accoucher du nouveau.

Et ce que nous enseigne l’Histoire ce n’est pas qu’elle se répète : c’est qu’elle innove.

Pourtant bien peu de gens acceptent de penser l’inconnu. Ce sont les éternels benêts, fiers de leurs vues « si raisonnables » qui la veille de la Révolution proclament la Monarchie éternelle, les mêmes qui croient la démocratie tout aussi éternelle et se moquent des « Cassandre » deux jours avant un putsch militaire.

Si parfois l’Histoire s’amuse à nous ressortir de vieilles recettes, c’est pour nous surprendre par leur mise « au goût du jour ». L’avenir sera du jamais-vu. Vous voudriez malgré tout le pré-voir ? Vous n’aurez pour cela qu’un seul organe à disposition : l’imagination.

C’est dans les têtes que s’enfante l’avenir.