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LIBERTÉ (CONDITIONNELLE)

Partie I

Que les Droits de l’Homme soient ! Et les Droits de l’Homme furent…

Allô oui ? Madame Réalité ? Vous me dites quoi !? Ça ne se passe pas comme cela dans la vraie vie ?!? Quelle déconvenue ! Moi qui croyait à la magie des mots

Je force le trait ? Mais même pas mes chers petits ! En 1789 il n’y eut pas que des bourgeois cyniques avides de conquérir et confisquer le pouvoir (oui bien sûr il y en eut1 …) mais il y eut aussi des bourgeois – attention propos choquants – de bonne volonté. Et ces andouilles-là croyaient dur comme fer à deux choses :

  1. POLITIQUEMENT : que rédiger une constitution suffirait pour que la Liberté descende du ciel et règne sur Terre ;
  2. ÉCONOMIQUEMENT : qu’en libérant le commerce les licornes allaient voler dans le ciel, Prospérité générale et corne d’abondance pour tout le monde !

Un tel angélisme quand on se mêle de pouvoir…c’est plus honteux qu’une maladie honteuse2 !

Que se passa t-il ? Et bien tout d’abord rappelons que le contexte n’était pas très heureux car le peuple de France de cette époque là n’avait pas assez à manger en ces difficiles années de mauvaises récoltes successives. La solution ? Libérons le commerce3  du grain et des farines ! Et tout ira mieux grâce aux lois bienfaisantes du marché n’est-ce pas ? Et oui tout alla mieux… pour les gros commerçants ! Ces braves bourgeois-là furent fort aise de pouvoir user à leur guise de la nourriture comme d’une marchandise4 et ce à l’échelle de tout le pays : il leur vint l’étrange idée de faire de la rétention de stocks dans les greniers, et ô miracle  que se passa t-il ?! Un peu plus de pain pour le peuple ? Certes non…mais de plus gros profits pour les négociants !

Le peuple se mourrait de famine… mais dans la liberté !

Robespierre, Saint-Just et consort venaient de se frotter à la réalité pour la première fois, ils en ressortirent vite déniaisés : non proclamer les libertés individuelles et faire adopter une constitution ne suffit pas : pour que tout un chacun puisse exercer sa liberté, encore lui faut-il5 disposer des moyens d’exercice de cette liberté.

Moyens ? Quels moyens ? Et bien je ne sais pas moi…par exemple avoir de quoi manger !

Quel rapport entre la digestion et la liberté me demanderont certains ? Et bien il semblerait que les gens affamés peinent à se sentir vraiment libres

Ils tombèrent de haut, de très très haut, d’aussi haut que l’Olympe de leur naïveté :

  • non seulement la liberté proclamée sur papier ne suffit pas et n’est qu’une liberté théorique…
  • non seulement libérer le commerce n’agit pas comme un coup de baguette magique apportant la prospérité générale
  • mais en plus c’est précisément la liberté économique qui s’était mis à nuire aux libertés politiques !

La dernière leçon ne fut la plus facile à tirer pour ces belles âmes éprises de Raison et de cartésianisme : eux qui avaient un tout beau schéma de la société, bien fait, satisfaisant pour le cerveau et plaisant pour l’œil, avec des petites cases nickel les unes à côté des autres et qu’on pouvait tout ranger soit dans l’une soit dans l’autre, on avait même fait des étiquettes : politique, économie, religion, culture, etc.

Mon Impérial avis est que c’est ce saucissonnage de la réalité en divers champs supposés indépendants(politique, économie, religion, culture, etc.) qui empêcha ces andouilles d’idéalistes de comprendre ce qui se jouait durant la Révolution6 : un rapport de forces.

Non chacun de ces champs ne mène pas une petite vie autonome pépère dans son coin, ne constitue pas une sphère indépendante et glorieuse qu’il suffirait de laisser graviter sans entrave pour voir des miracles advenir. Tous ces champs sont liés. Et quel est le liant qui les lie ?

Le pouvoir pauvre benêts ! Voilà la grille et la clé de lecture qu’il faut pour comprendre la société !

Le politique et l’économique sont partiellement indissociables car ils expriment tous deux des formes du pouvoir, et dès que s’exprime un rapport de force7toutes les formes du pouvoir rentrent en jeu. Et interagissent.

La mort dans l’âme les idéalistes durent renier la pureté de leur idoles : adieu commerce libérateur ! Adieu politique qui se suffit à elle-même ! Ils durent admettre qu’ils ne pourraient obtenir (un minimum vital de) liberté politique que si ils garantissaient (un minimum vital) d’égalité économique. Ainsi nos apprentis révolutionnaires furent réduits à revenir sur la libre circulation des grains et farines, à faire contrôler les greniers pour faire cesser la rétention et… las ! Démarchandiser partiellement la nourriture en encadrant les prix (loi du Maximum).

La leçon était claire et je suis toujours étonné que les démocrates qui semblent l’avoir pourtant bien assimilée depuis lors, ne soient pourtant pas capable de l’énoncer plus clairement, et notamment sous une forme qui coupe une bonne fois pour toute l’herbe sous le pied des ci-devant « libéraux » qui clament si fort leur amour de la « liberté » (et d’elle seule) ; sans doute n’ont-ils pas mon Majestueux sens de la formule nette et tranchante ? Mais admirez plutôt :

La liberté a besoin d’égalité.

Et ils pourraient se demander : l’inverse aussi ? (mais c’est une autre histoire).

Nous venons de le voir, une liberté reste théorique si l’individu ou le groupe d’individus qui en jouit théoriquement ne dispose pas de moyens d’exercice, et notamment des moyens économiques. C’est à ces conditions que la liberté peut cesser d’être théorique pour (éventuellement) devenir effective. Mais… ne faut-il que des moyens économiques ? Un aspirant despote peut-il rendre inopérantes des libertés en sucrant aux individus des moyens culturels ? éducatifs ? religieux ou moraux ?
C’est ce que nous tâcherons d’évoquer dans le prochain article.


[1] Pourtant la plupart des autres bourgeois de ce temps-là n’étaient pas si sots : un Sieyès par exemple savait très bien que derrière le paravent des belles valeurs il s’agissait de confisquer le pouvoir au profit de la seule bourgeoisie. Et le pire ? C’est qu’il ne s’en cachait même pas !

« La France ne doit pas être une démocratie, mais un régime représentatif. Le choix entre ces deux méthodes de faire la loi, n’est pas douteux parmi nous. D’abord, la très grande pluralité de nos concitoyens n’a ni assez d’instruction, ni assez de loisir, pour vouloir s’occuper directement des lois qui doivent gouverner la France ; ils doivent donc se borner à se nommer des représentants. […] Les citoyens qui se nomment des représentants renoncent et doivent renoncer à faire eux-mêmes la loi ; ils n’ont pas de volonté particulière à imposer. S’ils dictaient des volontés, la France ne serait plus cet État représentatif ; ce serait un État démocratique. Le peuple, je le répète, dans un pays qui n’est pas une démocratie (et la France ne saurait l’être), le peuple ne peut parler, ne peut agir que par ses représentants. »

Sieyès, « Sur l’organisation du pouvoir législatif et la sanction royale », in Les Orateurs de la Révolution française. Les Constituants, Tome I, Paris, Gallimard, 1989, p. 1025 et 1027

[2] La bêtise et la naïveté auraient-elles changé de camp ? Qu’il y ait des néolibéraux qui chantent avec cynisme les louanges de « l’économie de marché » ou encore le nécessaire primat de l’économique sur le politique, soit ! Mais que politiciens non contents de vouloir vendre la lune (néolibérale)…ont eux-même envie de l’acheter ! Les bras m’en tombent. Gober ses propres sornettes est dangereux…pour soi-même avant tout ! Et puis lancés sur cette voie-là, intimement convaincus des bienfaits du capitalisme, on se demande jusqu’où de tels imbéciles heureux peuvent aller !

[3] Les mots ont changé, maintenant les apôtres du laisser-faire diront plus volontiers « Libérer l’entreprise » simple question de mode langagière.

[4] Il faut remonter au XVIème siècle pour qu’un premier « penseur » formule ce noble vœux : le grain devrait être une marchandise comme les autres ! Il s’agit du brave Smythe, dans Compendious or a Discourse on the Common Weal of this Realm of England, publication en 1581, cité d’après Histoire des Idées et des Faits économiques, Isla, 2021.

[5] Pour le « elle » on attendra encore quelque peu…

[6] Et j’aurai envie de dire en tout temps et en tout lieu…  si ce n’était la peur de faire passer ma subtile prose pour une piteuse copie de philo du bacho…

[7] C’est-à-dire tout le temps…au risque de me répéter.

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HARMONIE

N’est-il pas plus sympathique de vivre dans la bonne entente et l’harmonie sociale ?

C’est ce que je revendique et m’évertue d’obtenir pour mes chers sujets. Mais on veut troubler leur tranquilité bienheureuse et brouiller la bonne entente qui règne dans l’Empire intergalactique par des menées séditieuses ! À bas ces rebelles ! Engeance fauteuse de troubles !

Qui a intérêt à exhorter le peuple à l’harmonie ?

Après tout l’harmonie s’obtient d’elle-même lorsque tout un chacun est content de son sort. Alors à quoi bon exhorter à l’harmonie ? Il faudrait et il suffirait de rendre chacun content de son sort pour que l’harmonie surgisse et règne d’elle-même.

Mais vous me direz qu’on peut craindre qu’une situation où tout le monde est déjà heureux vienne être pourrie de l’intérieur par des manipulateurs mal intentionnés, brandissant des motifs fallacieux et venant troubler les esprits faibles et influençables ?

Donc suivant cette logique il faudrait empêcher les esprits d’être (mal) influencés ?

Certes la calomnie et le fanatisme peuvent et doivent être combattus légalement, mais je croyais que pour le reste chacun était libre de ses opinions et de sa parole ? Je croyais aussi qu’une démocratie devait compter sur l’éducation[1]

Ceux qui prônent l’harmonie, non pas comme un but à atteindre, mais comme une chose à conserver, disent en sous-texte que les gens n’ont aucune raison de se plaindre de la situation telle qu’elle est, et que quiconque dirait le contraire ne serait qu’un fieffé agitateur venant apporter la mésentente, prélude à l’effondrement du bonheur général qui jusque là était censé rayonner. La conservation de la (supposée) harmonie est donc toujours prônée par les garants de l’ordre établi. C’est-à-dire par les dominants du moment [2]

L’harmonie sociale est antinomique de la contestation, du débat, de la controverse, de la dissension. Quatre notions qui peuvent parfois être (très) désagréables à expérimenter, mais qui sont la démocratie même.

La démocratie est conflictuelle par essence : il est impensable que dans un groupe d’humains surgissent spontanément des consensus à l’unanimité comme tombés du ciel ; bien au contraire les décisions sont le fruit de compromis politiques. Ces compromis se forgent dans le débat et la négociation. Et avant même de trancher une décision, il faut avoir proposer différentes idées, qui elles-mêmes résultaient de différentes perceptions et appréciation de la situation. Or ces idées et ces visions du monde préalables aux décisions sont parfois nées ou ont émergées du débat lui-même : le bouillonnement intellectuel étant permis par la mise en public des idées et leur dialogue (plus ou moins musclé).

La démocratie a ce quelque chose de désagréable et d’âpre, cette part difficile et parfois fatigante qu’on appelle…qu’on appelle comment déjà ? Ah oui la Vie !

Tandis que la dictature est beaucoup plus coulante : il suffit de se laisser guider ! Et alors tout baigne. C’est très reposant. Aussi reposant qu’un sommeil éternel…

C’est ce qui fait que cette pauvre démocratie peine tant à séduire les cœurs ! Qui a envie d’assumer cette part de conflit, de doutes, ces tiraillements et ces mésententes ? Alors qu’il serait si aisé de se laisser aller au monde tel qu’il va et tel qu’il nous incite à aller…

*****

[1] Éducation à l’autonomie, à l’espirt libre et critique. Douce utopie que d’attendre et exiger cela de tous les cerveaux ? Ah mais si vous êtes déjà convaincu de l’indécrottable imbécilité de vos congénères c’est que je n’ai donc plus besoin de vous prêcher la supériorité de la dictature : vous en êtes déjà (plus ou moins ouvertement) convaincu en votre for intérieur ! Mais sans doute aussi que vous n’avez pas bien lu certains de mes précédents articles…

[2] À l’heure où le PCC est en train de consteller la planète de centres Confucius (l’équivalent chinois de nos bonnes vieilles Alliances françaises) il est intéressant de se pencher sur la philosophie de ce personnage central dans la pensée de plusieurs pays d’Asie de l’Est et du Sud-Est. Que prône ce « grand penseur » ? Le retour à l’harmonie cosmique par l’obéissance servile et aveugle à la hiérarchie établie ; hiérarchie devant englober tous les individus dans tous les aspects de leur vie (l’Empereur est supérieurs aux généraux et hauts fonctionnaires qui commandent au peuple ; les parents commandent aux enfants, le mari à sa femme, l’aîné au cadet, l’ami expérimenté à l’ami de moindre expérience (peu importe l’intelligence de chacun sur le sujet en question….) etc.). Ce système de pensée où tout un chacun est trié et hiérarchisé et doit obéir à « l’ordre des choses » est le fruit à la fois d’une tradition de pensée de longue haleine (l’analogisme selon la classification de Descola) mais aussi du cours historique des événements : Confucius (comme Lao-Tseu) vit dans une époque de fractionnement politique de la Chine (les « Cent royaumes combattants ») vécue par lui comme une période de régression en comparaison à la période précédente (premier Empire chinois) et cherche donc à comprendre comment la Chine a pu en arriver là et comment elle pourrait retrouver le chemin de la stabilité et de l’unité. Pourtant comme pour la Grèce des cités antiques ou l’Europe des petits États rivaux, l’instabilité guerrière et politique s’accompagnera d’un foisonnement culturel que la Chine n’égalera jamais par la suite. De là à penser que la diversité et la confrontation sont plus stimulantes que l’homogénéité servile et satisfaite…

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BONHEUR BRUT(al)

Le bonheur se prête très bien à la dictature. C’est ce qu’Aldous Huxley a magistralement démontré dans Le Meilleur des Mondes. Mais les démocrates n’ont d’yeux que pour 1984 et sa dictature du malheur et de la souffrance. Peut-être parce qu’ils se plaisent à croire que si la dictature est forcément souffrance, c’est qu’à l’opposé la démocratie n’est que douceur et joie…

Il n’y a rien de plus sot, et les ci-devant démocrates auraient profit à (re)lire Huxley et à se demander pourquoi le bonheur se prête si bien aux visées dictatoriales ? Après tout quand mon ennemi se drape de telle ou telle valeur, moi perso, je commence par m’en méfier ! Je ne dis pas qu’il faille bêtement et systématiquement prendre le contrepied de ses adversaires (sinon on ne ferait plus que réagir et on leur laisserait occuper les terrains de leur choix) mais quand des systèmes de valeurs diamétralement opposés comme la dictature et la démocratie se revendiquent tous deux du bonheur il y a tout de même matière à se questionner non ?

À la recherche du bonheur…dans le dictionnaire

Plutôt que de me casser les dents à tenter de vous définir le bonheur (comme la philosophie occidentale s’y complaît depuis 2500 ans avec cette capacité dont elle a le secret à ne jamais trancher une question pourtant battue et rebattue) je vais plutôt vous demander : qui peut l’éprouver ?

Tout un chacun. Y compris les enfants, les crétins des Alpes et peut-être même les crapules. Le bonheur ne tient donc ni à l’âge, ni à la maturité, ni aux facultés intellectuelles et morales.

Par ailleurs le bonheur est favorisé par certains conditions sociétales (il est plus dur d’être heureux quand on meurt de faim, risque sa vie et sa santé à tout bout de champ, etc.) mais n’y est pas absolument corrélé : la littérature et les biographies ont documenté moult cas de bonheur éprouvés malgré des conditions redoutablement adverses [1].

Le bonheur tient de l’individuel, et ce dernier est évidemment sensible au contexte (social, environnemental, etc.) dans lequel il évolue, mais peut tout aussi bien parvenir à s’en détacher, voire à en faire abstraction. Cette coupure du monde favorisant le bonheur est d’ailleurs un lieu commun « Pour vivre heureux, vivons cachés ».

Le bonheur est donc hautement individuel, voire parfois individualiste et peut même confiner jusqu’à l’égoïsme.

En outre, la confrontation et à plus forte raison la dissension nous paraissent difficilement conciliables au bonheur. Or Notre Impériale Personne l’a évoqué (ou l’évoquera sous peu) la démocratie est faite de confrontations, de conflits d’idées et de visions du monde, très loin d’une harmonie sociale toute mielleuse. Le bonheur ne goûtera point une si délétère ambiance et s’efforcera de s’en exfiltrer… Le bonheur, loin d’être un idéal démocratique, Nous apparaît bien au contraire comme une valeur qui rentre en contradiction avec les principes inhérents à la démocratie.

Bonheur : si la fin justifie les moyens…

Admettons que le but final de toute politique soit le bonheur. Alors pour atteindre ce bonheur peut-on s’autoriser à mentir aux citoyens (pour préserver leur tranquillité d’esprit, ou bien pour prendre les « bonnes » décisions à leur place) ? Recourir aux drogues (pour faire disparaître toute douleur, apaiser le moindre inconfort physique ou émotionnel) ? Pratiquer l’eugénisme (pour éradiquer certains maladies, rendre les humains en meilleure santé, voire tenter de les rendre génétiquement inaptes à la tristesse) ? Changer les mœurs (couple, parentalité, fin de vie) pour garantir des rapports sociaux lisses et harmonieux, voire cantonnés à la pure jouissance ?

Questions légitimes si l’on décrète le bonheur comme but ultime de l’existence.

En imaginant à quoi ressemblerait un monde qui y répond quatre fois « Oui ! » Aldous Huxley accouche d’un univers où tout un chacun vit heureux… au sein d’une dictature à peu près parfaite.

Mais à ces quatre questions on peut sinon préférer répondre « Non ! ». Mais c’est admettre alors que le bonheur ne fait pas tout, qu’il existe d’autres valeurs qui lui sont supérieures, et qu’on se refuse à les sacrifier au nom de la félicité individuelle…

Quoi d’autre que le bonheur ?

Je suis fort aise de n’être lu que par des aspirants despotes car si des démocrates avaient le malheur de parcourir ces lignes j’entendrais déjà leur cris d’orfraie imbéciles « Tu prêches contre le bonheur, c’est donc que tu veux le malheur des gens ! »

Évidemment que la démocratie ne va pas adopter le malheur et la souffrance comme horizon ! Non seulement ce n’est pas vendeur, mais surtout Orwell l’a démontré, cela constitue également un très bon cadre pour la dictature.

Si une dictature du bonheur est possible (Cf. intro de l’article) il est par contre une valeur dont aucun régime despotique ne peut se revendiquer, une valeur en opposition complète avec le principe même de domination : c’est l´épanouissement. Une dictature qui vise (réellement) l’épanouissement de ces sujets ? Absolument contradictoire.

De nouveau des démocrates benêts me reprocheraient de jouer sur les mots, de substituer au bonheur un simple synonyme. Il n’en est rien : le bonheur est peut-être le frère jumeau de l’épanouissement, mais le jumeau maléfique. Car l’épanouissement me semble différer en plusieurs points cruciaux :

  • d’un crétin des Alpes, d’une crapule morale ou d’un enfant on aura du mal à les qualifier d’épanouis. L’épanouissement exige une plénitude morale, intellectuelle et définit un aboutissement dans le développement de la personne, ce qui par définition ne peut être le cas d’un enfant dont la personnalité et les aptitudes sont en construction.
  • Un ermite épanoui est un personnage à la rigueur envisageable, mais d’un individu inséré dans la société on aura peine à l’imaginer épanoui sans que cette personne ait su développer des connexions fortes et mutuellement bénéfiques avec plusieurs autres individus du groupe, voire avec le groupe tout entier (c’est-à-dire ait su trouver sa place au sein du collectif et œuvrer significativement pour ce dernier). L’épanouissement est donc plus solidement arrimé à la vie en société que son individualiste petit frère le bonheur.
  • Enfin il ne nous apparaît pas contradictoire qu’un individu épanoui soit par ailleurs en conflit avec certains de ses semblables. L’épanouissement n’est pas incompatible avec la confrontation.
  • J’irai même au-delà : l’épanouissement n’est pas non plus incompatible avec une certaine dose de souffrance. Il est évidemment idiot de rechercher la souffrance (sauf si vous avez un fétiche bien particulier…) mais il est tout aussi idiot de croire qu’on peut passer toute une vie à l’éviter : elle est inhérente à l’existence, voire, aussi regrettable que ce soit, nécessaire à la construction des caractères, des personnes, voire au renforcement des liens. L’épanouissement accepte cet état de fait quand le bonheur cherche à le nier ou à l’oublier.

Ainsi donc je m’étonne de trouver dans la constitution américaine le droit à la recherche du bonheur plutôt que le droit à l’épanouissement. Mais avec ces amusants démocrates nous ne sommes plus à une contradiction près !

*****

[1] Evguenia Guinzbourg fut déportée au Goulag sous Staline et en tira un livre Sous le Ciel de la Kolyma. Dans un passage remarquable, elle décrit comment au milieu des journées interminables de travaux forcés par de guillerettes températures sibériennes de -50ºC elle connut, esseulée au milieu du blizzard par une nuit sans lune, un instant de grâce comme l’existence n’en offre qu’un ou deux. Elle s’en excuse presque, reste, au moment où elle écrit c’est-à-dire plusieurs années après les faits, comme choquée par l’incongruité de ce bonheur fou provoqué par un grand amour naissant, bonheur inattendu rencontré au beau milieu de cet océan de souffrance qu’était le Goulag.

Primo Levi dépeint dans Si c’est un homme… trois personnages fort différents, mais tous trois sortant de l’ordinaire : trois déportés d’Auschwitz qui chacun à leur manière s’étaient adaptés au Läger jusqu’à y être aussi à l’aise et heureux que des poissons dans l’eau, au beau milieux des atrocités quotidiennes et de la déchéance soigneusement orchestrée par les nazis de leur compagnons de camp.

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ROMAN NATIONAL

Comme le disait Renan : « L’oubli et, je dirai même l’erreur historique, sont un facteur essentiel de la création d’une nation [et c’est ainsi que le progrès des études historiques est souvent pour la nationalité un danger]. » Les historiens ont, de par leur profession, l’obligation de ne pas commetre d’erreurs, ou du moins de faire leur possible pour les éviter. .

Éric Hobsbawm, Nations et nationalismes depuis 1780,
cité dans James C. Scott, Zomia, p315 de l’édition fr.

Même ses promoteurs parlent du roman national ! La messe est dite : on cause là d’une œuvre de fiction, et qui dit fiction dit que pour se laisser embarquer il faudra par être trop tatillon sur la vraisemblance…

Mais n’allez pas critiquer ouh la la ! Je préférerais encore débattre de la médiocrité de la prélogie avec un fan de Star Wars que de vouloir nuancer un roman national avec l’un de ses défenseurs !

C’est marrant cet attachement forcené à la « grandeur nationale ». Je veux bien admettre que la France* recèle une magnifique collection de paysages et possède une Histoire pleine de grands noms et de grandes œuvres…

Mais j’ai toujours eu du mal à comprendre pourquoi il faudrait en être fier.

Les français d’aujourd’hui ont-ils écrits les pièces de Molière ? Construit Notre-Dame-de-Paris ? Fait sortir de terre le Mont-Blanc ou les côtes d’Armor ? Inventé le vaccin contre la rage ?

Remarquez : moi aussi j’adore m’attribuer tout le crédit pour des choses auxquelles je n’ai pris aucune part…

A contrario : une scène culturelle bien vivante, un patrimoine soigneusement entretenu, vivre en bonne entente avec son environnement et son territoire, une politique de santé publique efficace… voilà des choses dont le peuple français actuel peut s’estimer être tenu pour responsable et partant se voir attribuer les mérites ou reproches afférents. On ne devrait être fier ou honteux que de ce qu’on a accompli soi-même non ? Si votre père est une crapule et votre mère une héroïne devez-vous vous sentir honteux ou fier ? Moi je ne me sentirais ni l’un ni l’autre. Je ne leur ai pas demandé de venir au monde !

Par contre d’avoir atomisé le Sénat intergalactique (et accessoirement la planète où il se trouvait) c’est MON mérite ! C’est MON étoile de la Mort ! À MOI vous m’entendez !?!

Hum hum bref…

Mais je suis un vilain taquin ! Certes les idéologies nationalistes sont d’une implacable incohérence – que voulez-vous ? Tout le monde n’a pas le cran d’assumer la domination pour elle-même… intellectuellement impeccable : Palpatine, what else ? Mais à observer ces idéologies à l’œuvre je dois bien admettre : quelle efficacité ! Ça vous fait marcher au pas tout le troupeau, jusqu’à vos propres ennemis : vous êtes communiste ou anarchiste en 1913 ? Et pourtant un coup de clairon et vous voilà  l’année suivante à défendre la patrie dans les tranchées ! Que c’est beau…

Idéologies incohérentes car on ne peut pas légitimement s’attribuer les honneurs de nos prédécesseurs, pour le seul motif que nous habiterions au même endroit ou qu’une fraction de notre génome est peut-être en nous…

Et parce que si on le fait quand même, il est encore plus difficilement justifiable de ne s’attribuer QUE les honneurs… Et le reste ? Comment ça le reste ?! Nos prédécesseurs étaient des anges immaculés voyons !

Le roman national est une grande œuvre… mais pas dans la catégorie qu’elle croit. Touche t-elle au sublime ? Oui bien sûr… mais dans la mauvaise foi ! Dans la vanité, la mesquinerie, le ridicule du petit orgueilleux menteur qui se vexe comme un pou…

De Funes ! Oui De Funes ! Le roman national, chacun des romans nationaux, ou même le genre tout entier s’il devait être incarné par un personnage, ce serait De Funes qu’il faudrait pour l’interpréter !

Toute chose à naître s’horripile à l’orient du monde, toute chair naissante exulte aux premiers feux du jour !

Et voici qu’il s’élève une rumeur plus vaste par le monde, comme une insurrection de l’âme…

« Tu ne te tairas point clameur ! que je n’aie dépouillé sur les sables toute allégeance humaine.

( Qui sait encore le lieu de ma naissance ? ) »

Saint-John Perse, Exils III

*****

*à remplacer selon votre convenance par Italie, Angleterre, Espagne, Japon, États-Unis, Chine….

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POUR QUI SONT CES PASTEURS ?

Un bon pasteur pour les bons moutons.

Ah les belles métaphores bibliques puisées dans l’univers agricole ! Remarquez Jésus aurait pu en choisir d’autres… parler, je ne sais pas moi… du bon tuteur ? Celui qui aide à croître et s’épanouir et qu’on enlève par la suite quand la plante est assez robuste pour se suffire à elle-même ? Mais non, c’est le berger et ses brebis qui viennent et reviennent dans la bouche du prophète : point d’adultes, ni même d’adulte en devenir : juste un troupeau à guider…

Émancipatrice vous avez dit ?

Il n’est pas innocent que le Créateur soit principalement désigné comme le Père-éternel : cela nous indique en creux le statut assigné aux humains : celui d’éternels enfants. Dans les religions du Livre, personne n’atteint jamais la majorité ! Sans même oser rêver d’émancipation anticipée…

D’ailleurs savez-vous comment l’humain a fabriqué des moutons ? En prenant des mouflons et en ne conservant que ceux qui étaient frappés de néoténie : mot savant-pédant pour parler d’un individu qui même parvenu à l’âge adulte conserve des traits juvéniles, y compris des traits de caractère comme la docilité, ou des inaptitudes aussi : moindre capacité à s’orienter, à se défendre contre les prédateurs (ce qui ne posait aucun problème à un farouche et robuste mouflon). En bref on a consciencieusement rendu le mouflon…bête.

Tous des moutons ?

Il est facile aux bergers de croire que les moutons sont ce qu’ils sont de toute éternité : la sélection génétique qu’ils ont opéré au fil du temps s’est étalée sur des générations et des générations : les moutons qu’ils ont sous les yeux semblent être à peu de choses près les mêmes que ceux qu’ont connus leurs aïeux et aïeules ; quand bien même une bergère aurait elle-même contribué à modifier la race ovine, il lui sera loisible d’en négliger la portée : ces petites altérations de rien du tout ? Comment cela pourrait-il changer durablement tout mon troupeau ? C’est bien pourtant le lent cumul de tous ces petits changements qui a transformé le rétif et fier mouflon sauvage en (relativement) stupide et docile mouton domestique.

Ce n’est pas le mouton qui a fait les bergers, ce sont les bergers qui ont fabriqué le mouton.

https://www.youtube.com/watch?v=F1KEZfjyilo#t=01m24

Ô que j’aimerais croire qu’il en va autrement pour les humains ! Que j’aimerais vous dire que la moutonnerie des masses occidentales est « naturelle » et irrémédiable ! Mais un dictateur ne doit jamais se laisser aller à prendre sa propagande pour la réalité (sous peine de ne plus pouvoir agir efficacement sur cette dernière). Mentir oui, mais y croire soi-même, jamais !

Ce n’est pas la moutonnerie des masses qui permet la domination politique, c’est la domination qui fabrique des moutons humains. Et quand on laisse une idéologie de la domination travailler les esprits pendant plusieurs millénaires d’affilée les « pasteurs » tout comme leurs brebis en viennent à prendre pour éternel cet état servile des mentalités. Alors qu’il s’agit d’une laborieuse construction sociale.

À la rescousse du politique, la religion vient alors s’emboîter dans les schémas mentaux serviles déjà présents, et sans s’en rendre compte, vient les étayer, les renforcer, pour produire des moutons… encore plus moutonnant !

Ce qui renforcera la conclusion dictatoriale : vous voyez-bien qu’ils se comportent comme des brebis qu’il faut guider ! La domination est une prophétie auto-réalisatrice : elle crée les conditions qui la justifient. Avouez : c’est tout de même bien fait…

Retour vers le futur : repasser du mouton au mouflon ?

Et si au lieu d’éduquer tout le monde à suivre et obéir, on éduquait chacun et chacune à s’émanciper, à cultiver et défendre farouchement son autonomie ? Est-ce que l’expérience inverse produirait effectivement des résultats inverses ? Ou bien est-ce une utopie vouée à l’échec ?

C’est bien pire que cela : cela s’est passé et se passe partout sur Terre.

Histoire, anthropologie, sociologie… Maudites soyez-vous ! Triplette d’emmerdeuses ! Empêcheuses d’asservir en rond ! Ah sans elles que nous serions heureux !

Hélas ! Hélas les Jivaros-Shuar et leur libertarisme jalousement défendu…
Hélas la Zomia indochinoise et sa fondrière de peuples qui ont rejeté le joug de l’État et se sont escrimés à se rendre ingouvernables pendant 2000 ans….
Hélas la Suisse (cette Zomia d’Europe) qui ridiculise les velléités impérialistes de ses voisins, et montre que des citoyens qui votent directement leurs lois s’en sortent plutôt mieux que les autres…

Il est désolant de voir des démocrates parfois réussir à retourner contre nous ces belles armes idéologiques que sont les religions du Livre. Mais je me réjouis malgré tout de les voir s’escrimer avec ces lourds glaives ! Croient-ils pouvoir s’en tirer indemnes à invoquer les saintes Écritures, ces armes à double tranchants ? Car ancrée dans le prêche des prophètes, se trouve l’idée, indéracinable dans la pensée monothéiste, du troupeau qui a besoin de son berger.

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ET SI L’ALEA EN EST JETÉ ?

Vous souvenez-vous du 21 décembre 2012 ?
Encore une promesse de gascon ! Mais bon cette Apocalypse exotique avait eu le mérite de nous divertir…et de nous instruire : je me souviens que le Courrier International avait fait un réjouissant petit dossier sur les annonces de fin du monde passées, présentes et à venir :

  • recension des prophéties jamais advenues ;
  • liste des quelques descentes aux enfers avérées (Pompéi, effondrement civilisationnel des fameux Mayas de l’âge classique, puisqu’on parle d’eux…) ;
  • et surtout : les quelques scénarios de possibles et plausibles Apocalypses à venir : éruption volcanique massive, holocauste nucléaire (belliqueux ou accidentel), impulsion électro-magnétique dévastatrice issue d’une éruption solaire massive, et puis tout simplement…une bonne grosse grippe ! [1]

Ces scénarios sont certes peu probables, mais sont tous plausibles et possibles. Et les deux derniers annonçaient un impact démultiplié en cas de non-préparation des autorités.

Je m’étais alors naïvement demandé si les différents gouvernements de cette bonne vieille Terre avaient des plans d’urgence pour faire face à ce type de crise, et si les services vitaux de l’État (armée, police, pompiers, hôpitaux, production d’énergie [2]) étaient parés voire régulièrement entraînés afin d’être aussi prêts que faire se peut à la survenue d’un éventuel jour J. Je n’en aurais pas mis ma main à couper…

Nous avons eu la réponse en 2020. Le Vietnam et la Corée du Sud étaient prêts. La Nouvelle-Zélande aussi (ou a su rapidement l’être). Et les autres ? Les 200 autres gouvernements de la planète ?

Et bien disons que s’ils avaient pris la chose avec le sérieux de l’un de ces trois pays l’épidémie aurait été jugulée et étouffée en quelques mois avec sans doute moins de 10 000 morts à déplorer à l’échelle planétaire…

Je ne parlerai même pas du fait que plus d’un an après le début de la crise, de nombreux gouvernements continuent d’avoir une politique inconséquente (du n’importe quoi intégral d’un Bolsonaro, au « simple » dilettantisme incohérent[3] d’un Macron)…

Et il ne s’agit que d’un virus de petit joueur : 0,5 à 5 % de létalité, ne décimant que la vioquerie. Dans le cas d’une grippe à 10 ou 20 % de létalité touchant jeunes comme vieux, la panique, couplée à l’impréparation gouvernementale aurait pu aboutir à un effondrement complet : plus personne n’osant se rendre au travail, ipso facto plus personne pour faire tourner les centrales électriques, les réseaux hydrauliques, les hôpitaux, la chaîne industrielle (notamment pharmaceutique et sanitaire)…

Mais ce qui m’intéresse dans tout cela ce ne sont pas tant les gouvernements de la planète (et leur incurie désormais avérée), mais plutôt les gens forts diplômés qui m’entouraient en 2012 : ces personnes sans doute très fières de leur instruction comme de leur esprit critique affûté se refusaient à partager mes doutes : il leur semblait évident que nos gouvernements (éclairés, planificateurs et dûment organisés) devaient avoir dans leur besace des plans d’urgence pour faire face à toutes les circonstances envisageables.

RAISONNABLE, QUAND TU NOUS TIENS…

Il y a un orgueil des gens « raisonnables ». Allant souvent de pair avec un certain dédain pour les pensées excentriques. Or ce qui caractérise la « pensée raisonnable » ce n’est pas de faire preuve de plus de raison : c’est de faire preuve de plus de moutonnerie : être raisonnable c’est suivre la voie médiane : suivre le flot dominant : des événements, des opinions, des mentalités, des gens…

Et certes cette forme de « pensée » s’accompagne de pronostics qui tombent souvent justes – après tout le plus probable se niche souvent dans la continuité de l’existant – mais elle s’avère très peu apte à prendre au sérieux tout le reste : tout ce qui déroge : l’excentrique, la rupture, le choc, le hautement improbable mais qui pourtant survient, et le révolutionnaire enfin, quand le feu qui couvait sans qu’on daigne y prêter garde tout à coup embrase et emporte tout sur son passage.

Nous le savons pourtant : la vie est tissée de continuité autant que de surprises. Mais cette connaissance est une connaissance « froide » : bien des gens l’intègrent intellectuellement mais ne parviennent pas à y croire dans le fond de leur cœur – si ce n’est qu’ils s’y refusent, plus ou moins consciemment. Car qui oserait s’avouer à lui-même qu’il nourrit cette passion aussi féroce que fort répandue : le confort intellectuel ?

Pourtant cette passion, il vaudrait mieux la connaître et la reconnaître, car elle a pour prix à payer deux lourds tributs : la peur du changement, et l’impréparation.

Je connais des républiques satisfaites qui ne s’en sont pas remises…

*****

[1] Je ne résiste pas au plaisir de vous recommander un peu d’Histoire épidémiologique : https://www.youtube.com/watch?v=cEeh23R7Ag8

[2] je me dis désormais qu’il faudrait rajouter : industrie, notamment l’industrie pharmaceutique et sanitaire, mais pas que…

[3] à date de début mai 2021, il n’y a toujours pas de contrôle aux frontières assorti d’une mise en quarantaine systématique. Mesure qui figurait dans le plan d’urgence anti-pandémie de 2005 exhumé par le Canard Enchaîné en mars 2020, jamais appliqué par le gouvernement de 2020…pas même un an après le début de la pandémie et alors que le Vietnam et la Nouvelle-Zélande ont démontré que seule cette stratégie permettait de contrôler la circulation du virus et alors que de nombreux variants (brésiliens, indien) menacent de pénétrer et déferler sur le territoire français. Cette incurie va de pair avec la doctrine néolibérale du laisser-faire. À cette occasion parodions Franklin : « Les peuples qui entre la Santé et la Croissance du PIB choisissent la deuxième ne méritent ni l’une ni l’autre et finiront par perdre les deux ».

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NÉO is the new RÉTRO

Attention derrière toi une révolution !

Ah ah non je plaisante. Mais remarquez il n’y pas de quoi avoir peur : toutes les révolutions ne sont pas là pour mettre à bas les dictateurs, il y en a même qui en érigent. Ah le charme des révolutions usurpées ! Mais laissons les de côté pour aujourd’hui, car ce dont j’aimerais vous entretenir est bien plus primordial dans l’Histoire humaine : Mesdames et Messieurs jetons un œil à LA grande révolution qui propulsa l’humanité dans l’âge de la dictature : la révolution…néolithique !

Rappelons tout d’abord le point de vue historique classique selon lequel la révolution néolithique est une révolution technologique (à savoir pour l’essentiel : agriculture, élevage, poterie) qui amena des bouleversements sociaux (sédentarisation, apparition des premières villes, stratification sociale). En bref : la technologie nous tombe dessus, et la société en ressort métamorphosée.

Et maintenant le point de vue subversif : l’humanité n’aurait pas patienté 150 000 ans avant de faire d’un coup toutes ces découvertes. Non durant tout ce temps l’humanité n’aurait tout simplement…pas vu l’intérêt de les faire !

Ce qui vous paraîtra absurde si vous croyez encore à l’image d’Épinal des Cro-Magnon comme pauvres nomades errants, grelottant de froid, traqués par les tigres à dents de sabre et les hyènes et sans cesse inquiets du lendemain, image allant de pair avec celle des premiers fermiers vus comme des pionniers, laborieux bienfaiteurs de l’humanité qui d’invention en invention parvinrent à améliorer son sort.

Il est désormais établi que le tableau est exactement inverse. Les humains préhistoriques vivant de chasse et cueillette connaissaient une espérance de vie de plus de 60 ans[1] et jouissaient d’une assez bonne santé. Pour retrouver un tel niveau, il faudra attendre, en France… le milieu du XXème siècle  ![2] Par ailleurs il semble qu’ils disposaient de beaucoup de temps libre… plus que dans nos sociétés modernes (y compris avec les RTT de Martine) ![3] Quant à eux, les premiers humains vivant d’agriculture et d’élevage virent leur espérance de vie chuter à 40 ans, parfois moins. Leur régime alimentaire était moins équilibré et ils souffraient de grave carences nutritives. La concentration des populations dans des villages créa d’effroyables problèmes d’hygiène (liés à la concentration des excréments et des miasmes) avec l’apparition et la propagation de la plupart des maladies contagieuses passées et actuelles. Chaque femme mettait au monde plus d’enfants, avec les risques afférant de mort en couche.

Si la révolution néolithique a rendu si misérables les humains pourquoi l’ont-ils faite ? Et une fois les dégâts constatés, pourquoi n’ont-ils pas fait machine arrière ? Et pourquoi ont-ils prospéré tandis que les bienheureux chasseurs-cueilleurs régressaient au point de ne plus survivre que par poches ci et là ?

L’agriculture et l’élevage ne procuraient qu’un seul avantage, mais il était de taille : un même territoire pouvait nourrir plus de bouches. Il est vraisemblable que la multiplication démographique des premiers fermiers a tout simplement submergé les chasseurs-cueilleurs. Mais ce mouvement une fois enclenché, il était impossible de faire marche arrière : si un territoire qui ne pouvait nourrir que 100 chasseurs-cueilleurs abritait désormais 120 agriculteurs comment rebrousser chemin ? Qu’allait-on faire des 20 individus « surnuméraires » ? Et comment résister à la pression démographique (et probablement guerrière) des villages d’agriculteurs voisins si l’on retournait vers une société de chasseurs-cueilleurs moins dense et moins peuplée ?

En outre, ces changements se sont sans doute produits sur une très longue durée : centaines voire milliers d’années peut-être. D’une génération à l’autre les évolutions ont pu sembler imperceptibles. Et le piège de la vie fermière se referma alors comme un nœud coulant sur l’humanité.

Mais les historiens qui soutiennent cette thèse de l’évolution technologique lente et insidieuse continuent de penser, implicitement peut-être même inconsciemment, que c’est la technologie qui a bouleversé la société.

Or une thèse bien plus subversive imagine que la véritable révolution de l’époque fut…idéologique : s’appuyant sur l’expérience anthropologiques de populations de chasseurs-cueilleurs récentes voire contemporaines, les auteurs avancent que la découverte de l’agriculture et de l’élevage n’est pas fortuite mais volontaire : si les chasseurs-cueilleurs étudiés ne pratiquent pas l’élevage ou l’agriculture ce n’est pas par méconnaissance (ils sont souvent des écologues hors-pair) ni par manque d’inventivité (l’inventivité et l’observation sont le propre de la chasse et partant des chasseurs), c’est par choix. Quelques exemples en attestent : malgré les enseignements et les exhortations de divers missionnaires, les « sauvages » amazoniens refusèrent de pratiquer l’élevage ; malgré le fait que tout s’y prête, que du gibier capturé a été enfermé en enclos et nourri pour faire office de garde-manger sur pattes, le passage à l’étape suivante (sélection et reproduction contrôlée du bétail) ne s’opère pas chez les amazoniens récents.

L’élevage fait horreur aux « sauvages ». L’agriculture céréalière également. Car qui dit élevage dit soumission, contrôle, domination. Comme l’agriculture il implique une sélection des traits physique et de caractère par le contrôle de la reproduction. L’agriculture et l’élevage sont perçus par les « sauvages » avec le même effroi que les consciences occidentales ont pour l’eugénisme.

On a retracé que l’élevage s’est traduit par une diminution sensible de la taille des cerveaux et des capacités cognitives des animaux. De la même manière l’agriculture céréalière a impliqué une telle modification des plantes qu’elles ne sont bien souvent plus capables de survivre durablement par elles-mêmes, sans les soins portés par les humains.[4]

Ce que les pionniers du néolithique ont inventé, c’est l’idéologie qui veut qu’il y est des êtres inférieurs et d’autres supérieurs. Corollaire logique : les êtres supérieurs doivent régner sur les êtres inférieurs. Évidemment, qui ces révolutionnaires ont-ils placé au sommet de la hiérarchie ? L’humain bien sûr. Tout était prêt : il était désormais dans l’ordre des choses que les plantes et animaux soient soumis, contrôlés, modifiés au bénéfice de ceux qui se proclamaient au-dessus d’eux.

Créant du bétail avili et des plantes dégénérées toujours plus dépendants de ses soins, la fraction révolutionnaire de l’humanité néolithique a peu à peu forgé un monde qui correspondait à la vision qu’elle voulait en avoir : vision du monde auto-réalisatrice et auto-justificatrice.

Le chemin dessiné ouvrait la voie : une fois clairement établi l’existence d’inférieurs et de supérieurs il fallait se demander si les humains entre eux n’étaient pas aussi hiérarchisables[6]. Si les hommes n’étaient pas supérieurs aux femmes ? Les chefs supérieurs à la plèbe ? Et vous connaissez la suite.

Finalement ces historiens et anthropologues sont de braves types. Me voilà encore plus attendri que je ne l’étais devant cette noble humanité néolithique !

Ô mes lointains et nobles devanciers ! Comment vous remercier d’avoir su, du tréfonds des âges faire triompher cette révolution idéologique ? Merci mille mercis ! Merci pour la hiérarchie. Merci pour l’ordre des choses. Merci pour la domination. Merci pour ce malheur du plus grand nombre (incluant rien de moins que tout ce qui existe dans l’univers) et la jouissance de quelques uns, intrépides individus devenus – enfin ! – chefs, bientôt rois, et à quelques petits millénaires de là IMPERATOR GALACTICUS !




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[1]Y. Hariri, Sapiens, quelque part dans le chapitre sur la préhistoire (qui est à dévorer)

[2] Il me faut tricher un peu : je ne parviens pas à mettre la main sur l’espérance de vie à un an (foutue INSEE !). Je ne dispose que de l’espérance de vie à la naissance, qui est donc rabotée par la mortalité infantile (je ne saurais dire de combien d’années est le coup de rabot). En attendant cela donne, en 1946, pour les hommes français, une espérance de vie à la naissance de 60 ans. L’espérance de vie indiquée par les préhistoriens (qu’il s’agisse des populations chasseuses-cueilleuses ou bien agricoles) est plutôt une longévité moyenne observée, qui ne tient pas ou peu compte de la (forte) mortalité infantile.

[3] Concernant l’époque de cocagne préhistorique voir Sahlins, Âge de pierre, âge d’abondance, 1976

[4] si vous ne croyez pas votre empereur sur parole, on pourra citer parmi moult autres exemples le cas du petit épeautre

[6]« […][dans un bref article publié en 1962, aussi discret que révolutionnaire […] André Georges Haudricourt […] avance que les relations originelles qu’une société entretient avec les animaux constitue souvent un modèle des relations qu’elle met en place entre humains.[…]par exemple l’exploitation du bétail constituerait une origine de l’esclavage. »
Citation tirée de Baptiste Morizot, Manières d’Être Vivant, p184
citant lui-même André-Georges Haudricourt, Domestication des Animaux, culture des plantes et traitement d’autrui, 1962, article paru dans L’Homme, t.II, n°1, 1960, p40-50

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Penser le côté obscur

OBSESSION

Cette fascination pour les nazis tout de même…cela fait chaud au cœur ! Je ne parle évidemment pas des groupuscules nazillons peuplés au trois quarts de décérébrés. Non je parle de ces chers démocrates : soixante-quinze ans se sont écoulés et ils n’arrivent pas à penser à autre chose : leur littérature n’a jamais autant regorgé de Shoah, leurs universitaires ne cessent de se triturer le « trou noir de l’Histoire », et si fort peu croient que le swastika puisse vraiment revenir il y a comme qui dirait ? Un soupçon infime, de ces petits doutes résiduels qui vous chatouille désagréablement…
JE SAVOURE MON PETIT LAIT !

La raison de cette obsession, me demanderez-vous dans l’attente enfiévrée de mes Ténébreuses Lumières ? C’est je crois, qu’ils sentent, confusément, trèèèèèèèèès confusément – quelque part à la lisière de leur conscience ratatinée – qu’il y a quelque chose dans cette sombre histoire qu’ils n’ont pas dû bien comprendre, qu’ils n’ont toujours pas compris…

Ahhhh qu’il serait bon de pouvoir adhérer sans retenue à ceux qui taxent cette « barbarie nazie » d’épisode de folie collective, de démentielle sortie des rails ! Ou au moins pouvoir s’offrir ce demi-réconfort intellectuel que d’admettre une bonne fois pour toutes que cette ténébreuse et européenne aventure fasciste restera à jamais incompréhensible…

Sauf que ces foutues consciences veulent comprendre.
Et que cette envie-là est encore plus insistante que celle de botter en touche.

Et bien Messieurs-Dames les « démocrates », du haut de Sa suprême expérience du côté obscur l’Empereur est prêt à délivrer vos cerveaux de leurs angoisses historico-existentielles ! Alors vous voulez savoir ce qui vous obsède tant à propos de la période 1933-1945 ?

Ce n’était pas une sortie de rails.
Le nazisme n’était pas un accident de parcours de l’Histoire occidentale. Mais un de ses aboutissements logiques. L’occident a et a toujours eu deux ambitions constitutives, foncièrement contradictoires et pourtant pas forcément incompatibles, et le nazisme n’est rien d’autre que la tentative de mener à son terme l’une d’elles. Mais cette fois en pensant mûrement la chose, avec une cohérence complète, sans faux-semblant idéologiques, sans non plus d’atermoiements dans les moyens employés et leur mise à exécution… littéralement (hu ! hu ! hu !… Vous l’avez?).

Cette ambition clairement affichée, revendiquée avec fierté par les nazis, puis mise en œuvre rationnellement, avec méthode et détermination, cette ambition qui habite la civilisation occidentale depuis chacune des deux mille cinq cents et quelques années de son existence ?

C’est l’ambition de la suprématie. La volonté de domination. Le côté obscur de l’occident, aussi profondément enraciné en lui qu’il l’est en la Force.

Vous aviez loupé ça ?!? Il faut dire que les républicains sont rarement doués pour débusquer le Sith qu’ils ont sous le nez, si vous me permettez… Quant à débusquer celui qu’ils ont en eux !…

Les nazis ne voulaient plus ergoter ou jouer à passer pour ce qu’ils n’étaient pas. Alors que les empires coloniaux avaient encore besoin de se revendiquer civilisateurs (avec ce que cela impose, si ce n’est de retenue dans l’(ex)action, du moins d’escamotage de la (beaucoup plus sordide) réalité) ; alors que Napoléon avait besoin de se clamer révolutionnaire quand il n’était que le parachèvement de la contre-révolution thermidorienne ; alors que les conquistadors de toute l’Europe plantaient des croix et aspergeaient d’eau bénite à qui mieux-mieux quand il était évident pour tout le monde (et probablement pour eux-mêmes) qu’ils n’étaient que des mercenaires assoiffés d’or et de pouvoir ; enfin que dire qu’il n’y ait d’évident sur Rome ou sa bonne fille l’Église ? Et voilà nous y sommes presque, remontant ainsi de fil en aiguille, dans une remarquable continuité historique jusqu’à la racine de l’Occident, à ce tout petit pays dont tout est parti il y a 2600 ans, dont la pensée et l’Esthétique formaient un tout si solide que sa Force initiale s’est transmise comme un virus, mutant pour s’adapter mais se propageant avec succès jusqu’à habiter de nos jours un tiers de l’humanité (terrienne), et pas le moins puissants des tiers ! et dans ce petit recoin de méditerranée, à cette époque si reculée (et pourtant toujours si proche, si parlante!) on trouve déjà formulé le projet suprémaciste, explicité jusque dans ses détails les plus croustillants : Platon.

Ah mes amis il faut lire Platon ! Je sais que bon nombre d’entre vous ne s’en privent pas (tout en ayant la stupidité de l’avouer publiquement)[1] mais on ne citera jamais assez le primordial et méconnu Les Lois à compléter évidemment du mieux connu mais pas mieux lu La République. Résumons un peu la belle politique que Platon appelle de ses vœux :

  • le patriarcat pur et dur : si banal me direz-vous, mais si essentiel!
  • la propagande de masse, la pensée unique et les autodafés[2] : déjà pas mal pour l’époque ? Mais attendez un peu le génie visionnaire arrive…
  • l’eugénisme : splendide ! Si c’est pas la preuve du génie révolutionnaire ?!?)

TOUT Y EST JE VOUS DIS ! Et dire que dans les cours de philosophie de ces soi-disant « démocraties représentatives » on vante le « grand penseur » …mais OUI ! OUIIII ! Je n’aurais pas dit mieux !

Et l’autre ? me diront celles et ceux qui ne roupillent pas complètement.
L’autre quoi ?…diront les autres qui n’étant pas ceux qui ne roupillaient pas sont donc ceux qui…vous avez compris.

Et bien l’autre ambition constitutive de l’occident ?

Ah mais c’est que je n’ai plus la place dans cet article déjà trop long !



[1] L’élitisme platonicien malheureusement, n’est pas que de l’histoire ancienne : au XXIème siècle encore, il continue d’accabler l’humanité. Les auteurs de la politique étrangère des États-Unis, qui sont à l’origine des invasions impérialistes de l’Afghanistan et de l’Irak, sont connus pour être de grands disciples du philosophe politique Léo Strass, lui-même grand admirateur de Platon. « Les enseignement s de Strauss ont eu pour effet de convaincre les disciples de Strauss qu’ils font partie de l’élite dirigeante naturelle », indique Shadia Drury qui a beaucoup écrit sur les écrits de Strauss et ses conséquences. « Léo Strauss, continue t-elle, était fermement convaincu de l’efficacité et de l’utilité du mensonge en politique » et « justifiait ses positions en faisant référence au concept platonicien de noble mensonge ». L’influence straussienne n’est que trop visible dans l’usage par l’administration Bush de tromperies et de trucages flagrants pour convaincre les citoyens étatsuniens de la nécessité d’entrer en guerre contre l’Irak. « Les philosophes antiques pour lesquels Strauss avaient une prédilection pensaient que les masses n’étaient faites ni pour la vérité ni pour la liberté, et que leur offrir ces sublimes trésors revenait à donner de la confiture aux cochons. »
Clifford D.Conner, Histoire Populaire des Sciences, p 196 ; citant lui-même Shadia Drury, The Political Ideas of Leo Strauss ; Leo Strauss and the American Right et « Noble Lies and Perpetual War »



[2] […]Car en réalité il supposait que le gouvernement ne pouvait reposer que sur le mensonge et « voua sa vie » à l’élaboration de cette tromperie. Pour l’entretenir , Platon préconisait que l’on détruise les livres des mathématiciens ioniens et « que l’État impose son livre crapuleux [Les Lois] comme seule et unique source de doctrine. »
Clifford D.Conner, Histoire Populaire des Sciences, p194 ; citant lui-même Farrington, Science and Politics in the Ancient World, p126-127

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NATURE HUMAINE ?

L’autre soir je dînais avec mes généraux ; j’étais un peu ailleurs, laissant mes pensées vagabonder à leur gré. Pendant ce temps la conversation allait son train, je leur avait abandonné la bride sur le licol. Fatale erreur me direz-vous ! Et effectivement ces crétins n’ont pas loupé l’occasion : quelques minutes à peine et ces corniauds ont commencé à déblatérer sur la servilité inhérente au bas peuple…

La « nature humaine »… la belle ritournelle philosophique que voilà ! Quelle insulte envers mon auguste travail ! Alors Anakin est devenu Vador par la seule grâce de son microbiote peut-être ? Et la démocratie galactique de mille ans d’âge, elle s’est transformée en Empire tyrannique par l’action innée de son microbiote aussi !? Vous croyez que c’est « spontané » de voir mille milliards de citoyens-électeurs satisfaits et confiants se transformer en une horde avilie qui n’imagine plus rien d’autre que sa servilité ? Et en moins d’une génération je vous prie !

C’est bien le drame de la dictature : on s’échine tellement à fabriquer des abrutis…qu’on finit par en être encerclé soi-même !

Aussi les ai-je tous fait abattre. On ne casse pas le groove de l’Empereur.

Combien de fois faudra t-il vous le dire ?!?

Il n’y a pas de nature humaine bande d’incapables !

Bien sûr qu’il faut entretenir le petit peuple dans de tels préjugés ! Bien sûr qu’il va de votre devoir de lui conter de telles sornettes… mais vous avais-je pour autant autorisé à y croire ?!?

Me suis-je laissé emporter ? Peut-être. Mais c’est qu’il ne s’agit pas d’une question anodine. J’ose même avancer ceci : toute action politique – quel que soit le côté de la Force qui la meut – est conditionnée par cette seule question, et par la réponse qu’on y apporte : jusqu’à quel point peut-on faire changer l’être humain ?

D’un côté vous trouverez les gens « renseignés », qui savent bien, eux, que l’être humain est tel qu’il est, qu’il en a toujours été ainsi et que c’est pas demain la veille que ça changera alors remballez-moi vos grandes idées et vos grands projets ! Braves gens qui selon l’époque où ils sont nés proclameront la monarchie éternelle la veille de la Révolution, ou bien croiront la démocratie solidement établie à la veille d’un putsch militaire…

Et puis de l’autre côté il y a les rêveurs, les utopistes : démocrates, fascistes, émancipateurs, fanatiques religieux, communistes, totalitaires, anarchistes… Qu’ils œuvrent du côté obscur ou lumineux, dédiées à la vie intellectuelle ou à l’action, tous ces idéalistes sont convaincus d’une chose : l’être humain est hautement plastique.

Je vais vous conter un secret : la science leur donne raison.

Et je vais vous conter un deuxième secret : au fond, tout le monde le savait déjà !

Faites quatre mille kilomètres dans la direction de votre choix, ou bien, sans bouger d’où vous êtes rebroussez le temps de trois mille ans, même constat : vous débarquerez parmi des Homo Sapiens si étrangers à votre culture que vous serez en droit de les croire tombés d’une autre planète ! Et comment une humanité figée de toute éternité dans sa « nature » saurait-elle, au cours du temps et de l’espace, nous présenter des visages aussi prodigieusement différents ?

L’être humain est malléable à volonté. Et ainsi tout est possible. C’est ce qui a permis et explique le fascisme, le nazisme, tous les totalitarismes. C’est ce qui rend non pas seulement plausible, mais effectivement réalisable les utopies les plus révolutionnaires.

Que le côté obscur nous en préserve !

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LA ROUE DE L’HISTOIRE…

n’est PAS une cage à hamster !

C’est la honte de notre profession, que d’avoir laissé à des démocrates la primauté d’inventer ces formules parfaites du totalitarisme : 1984, Le Meilleur des Mondes.

Bien sûr il est de notre devoir de railler publiquement les intellectuels et les puissances de l’imagination, mais quelle courtesse de vue que de gober notre propre propagande ! C’est l’imagination qui transcende l’être humain, qui lui permet de se dépasser dans le bien comme dans le mal, et d’accoucher du nouveau.

Et ce que nous enseigne l’Histoire ce n’est pas qu’elle se répète : c’est qu’elle innove.

Pourtant bien peu de gens acceptent de penser l’inconnu. Ce sont les éternels benêts, fiers de leurs vues « si raisonnables » qui la veille de la Révolution proclament la Monarchie éternelle, les mêmes qui croient la démocratie tout aussi éternelle et se moquent des « Cassandre » deux jours avant un putsch militaire.

Si parfois l’Histoire s’amuse à nous ressortir de vieilles recettes, c’est pour nous surprendre par leur mise « au goût du jour ». L’avenir sera du jamais-vu. Vous voudriez malgré tout le pré-voir ? Vous n’aurez pour cela qu’un seul organe à disposition : l’imagination.

C’est dans les têtes que s’enfante l’avenir.