Catégories
Penser le côté Lumineux (mais pas si brillant...) Penser le côté obscur Pouvoir économique

LIBERTÉ (CONDITIONNELLE)

Partie I

Que les Droits de l’Homme soient ! Et les Droits de l’Homme furent…

Allô oui ? Madame Réalité ? Vous me dites quoi !? Ça ne se passe pas comme cela dans la vraie vie ?!? Quelle déconvenue ! Moi qui croyait à la magie des mots

Je force le trait ? Mais même pas mes chers petits ! En 1789 il n’y eut pas que des bourgeois cyniques avides de conquérir et confisquer le pouvoir (oui bien sûr il y en eut1 …) mais il y eut aussi des bourgeois – attention propos choquants – de bonne volonté. Et ces andouilles-là croyaient dur comme fer à deux choses :

  1. POLITIQUEMENT : que rédiger une constitution suffirait pour que la Liberté descende du ciel et règne sur Terre ;
  2. ÉCONOMIQUEMENT : qu’en libérant le commerce les licornes allaient voler dans le ciel, Prospérité générale et corne d’abondance pour tout le monde !

Un tel angélisme quand on se mêle de pouvoir…c’est plus honteux qu’une maladie honteuse2 !

Que se passa t-il ? Et bien tout d’abord rappelons que le contexte n’était pas très heureux car le peuple de France de cette époque là n’avait pas assez à manger en ces difficiles années de mauvaises récoltes successives. La solution ? Libérons le commerce3  du grain et des farines ! Et tout ira mieux grâce aux lois bienfaisantes du marché n’est-ce pas ? Et oui tout alla mieux… pour les gros commerçants ! Ces braves bourgeois-là furent fort aise de pouvoir user à leur guise de la nourriture comme d’une marchandise4 et ce à l’échelle de tout le pays : il leur vint l’étrange idée de faire de la rétention de stocks dans les greniers, et ô miracle  que se passa t-il ?! Un peu plus de pain pour le peuple ? Certes non…mais de plus gros profits pour les négociants !

Le peuple se mourrait de famine… mais dans la liberté !

Robespierre, Saint-Just et consort venaient de se frotter à la réalité pour la première fois, ils en ressortirent vite déniaisés : non proclamer les libertés individuelles et faire adopter une constitution ne suffit pas : pour que tout un chacun puisse exercer sa liberté, encore lui faut-il5 disposer des moyens d’exercice de cette liberté.

Moyens ? Quels moyens ? Et bien je ne sais pas moi…par exemple avoir de quoi manger !

Quel rapport entre la digestion et la liberté me demanderont certains ? Et bien il semblerait que les gens affamés peinent à se sentir vraiment libres

Ils tombèrent de haut, de très très haut, d’aussi haut que l’Olympe de leur naïveté :

  • non seulement la liberté proclamée sur papier ne suffit pas et n’est qu’une liberté théorique…
  • non seulement libérer le commerce n’agit pas comme un coup de baguette magique apportant la prospérité générale
  • mais en plus c’est précisément la liberté économique qui s’était mis à nuire aux libertés politiques !

La dernière leçon ne fut la plus facile à tirer pour ces belles âmes éprises de Raison et de cartésianisme : eux qui avaient un tout beau schéma de la société, bien fait, satisfaisant pour le cerveau et plaisant pour l’œil, avec des petites cases nickel les unes à côté des autres et qu’on pouvait tout ranger soit dans l’une soit dans l’autre, on avait même fait des étiquettes : politique, économie, religion, culture, etc.

Mon Impérial avis est que c’est ce saucissonnage de la réalité en divers champs supposés indépendants(politique, économie, religion, culture, etc.) qui empêcha ces andouilles d’idéalistes de comprendre ce qui se jouait durant la Révolution6 : un rapport de forces.

Non chacun de ces champs ne mène pas une petite vie autonome pépère dans son coin, ne constitue pas une sphère indépendante et glorieuse qu’il suffirait de laisser graviter sans entrave pour voir des miracles advenir. Tous ces champs sont liés. Et quel est le liant qui les lie ?

Le pouvoir pauvre benêts ! Voilà la grille et la clé de lecture qu’il faut pour comprendre la société !

Le politique et l’économique sont partiellement indissociables car ils expriment tous deux des formes du pouvoir, et dès que s’exprime un rapport de force7toutes les formes du pouvoir rentrent en jeu. Et interagissent.

La mort dans l’âme les idéalistes durent renier la pureté de leur idoles : adieu commerce libérateur ! Adieu politique qui se suffit à elle-même ! Ils durent admettre qu’ils ne pourraient obtenir (un minimum vital de) liberté politique que si ils garantissaient (un minimum vital) d’égalité économique. Ainsi nos apprentis révolutionnaires furent réduits à revenir sur la libre circulation des grains et farines, à faire contrôler les greniers pour faire cesser la rétention et… las ! Démarchandiser partiellement la nourriture en encadrant les prix (loi du Maximum).

La leçon était claire et je suis toujours étonné que les démocrates qui semblent l’avoir pourtant bien assimilée depuis lors, ne soient pourtant pas capable de l’énoncer plus clairement, et notamment sous une forme qui coupe une bonne fois pour toute l’herbe sous le pied des ci-devant « libéraux » qui clament si fort leur amour de la « liberté » (et d’elle seule) ; sans doute n’ont-ils pas mon Majestueux sens de la formule nette et tranchante ? Mais admirez plutôt :

La liberté a besoin d’égalité.

Et ils pourraient se demander : l’inverse aussi ? (mais c’est une autre histoire).

Nous venons de le voir, une liberté reste théorique si l’individu ou le groupe d’individus qui en jouit théoriquement ne dispose pas de moyens d’exercice, et notamment des moyens économiques. C’est à ces conditions que la liberté peut cesser d’être théorique pour (éventuellement) devenir effective. Mais… ne faut-il que des moyens économiques ? Un aspirant despote peut-il rendre inopérantes des libertés en sucrant aux individus des moyens culturels ? éducatifs ? religieux ou moraux ?
C’est ce que nous tâcherons d’évoquer dans le prochain article.


[1] Pourtant la plupart des autres bourgeois de ce temps-là n’étaient pas si sots : un Sieyès par exemple savait très bien que derrière le paravent des belles valeurs il s’agissait de confisquer le pouvoir au profit de la seule bourgeoisie. Et le pire ? C’est qu’il ne s’en cachait même pas !

« La France ne doit pas être une démocratie, mais un régime représentatif. Le choix entre ces deux méthodes de faire la loi, n’est pas douteux parmi nous. D’abord, la très grande pluralité de nos concitoyens n’a ni assez d’instruction, ni assez de loisir, pour vouloir s’occuper directement des lois qui doivent gouverner la France ; ils doivent donc se borner à se nommer des représentants. […] Les citoyens qui se nomment des représentants renoncent et doivent renoncer à faire eux-mêmes la loi ; ils n’ont pas de volonté particulière à imposer. S’ils dictaient des volontés, la France ne serait plus cet État représentatif ; ce serait un État démocratique. Le peuple, je le répète, dans un pays qui n’est pas une démocratie (et la France ne saurait l’être), le peuple ne peut parler, ne peut agir que par ses représentants. »

Sieyès, « Sur l’organisation du pouvoir législatif et la sanction royale », in Les Orateurs de la Révolution française. Les Constituants, Tome I, Paris, Gallimard, 1989, p. 1025 et 1027

[2] La bêtise et la naïveté auraient-elles changé de camp ? Qu’il y ait des néolibéraux qui chantent avec cynisme les louanges de « l’économie de marché » ou encore le nécessaire primat de l’économique sur le politique, soit ! Mais que politiciens non contents de vouloir vendre la lune (néolibérale)…ont eux-même envie de l’acheter ! Les bras m’en tombent. Gober ses propres sornettes est dangereux…pour soi-même avant tout ! Et puis lancés sur cette voie-là, intimement convaincus des bienfaits du capitalisme, on se demande jusqu’où de tels imbéciles heureux peuvent aller !

[3] Les mots ont changé, maintenant les apôtres du laisser-faire diront plus volontiers « Libérer l’entreprise » simple question de mode langagière.

[4] Il faut remonter au XVIème siècle pour qu’un premier « penseur » formule ce noble vœux : le grain devrait être une marchandise comme les autres ! Il s’agit du brave Smythe, dans Compendious or a Discourse on the Common Weal of this Realm of England, publication en 1581, cité d’après Histoire des Idées et des Faits économiques, Isla, 2021.

[5] Pour le « elle » on attendra encore quelque peu…

[6] Et j’aurai envie de dire en tout temps et en tout lieu…  si ce n’était la peur de faire passer ma subtile prose pour une piteuse copie de philo du bacho…

[7] C’est-à-dire tout le temps…au risque de me répéter.

Catégories
Pouvoir économique

À LA CA(I)SSE…

À quoi cela sert d’être Empereur s’il faut se mettre à marchander comme un vendeur de tapis dès qu’on a une panne de moteur ?!?

Foutues vacances aux confins de la galaxie !
Hyperpropulseur de mes c***** qui fond une bielle au milieu de nulle part !
Et p***** d’enf***** de planète de contrebandiers de mes deux !

Non mais quelle idée de laisser des systèmes solaires vivoter en-dehors de l’Empire ?! À mon retour je te fais cartographier cette galaxie au cm² et finis les conneries !!!

Mais tout cela à eu un mérite : j’ai dû revoir ma vision de l’activité commerçante.

Je me disais : comment vendre sans s’avilir ? Faire le larbin devant les clients les plus demeurés, jamais décidés, toujours capricieux, qui vous font avaler couleuvre sur couleuvre, ravaler sa fierté pour faire rentrer quelques dinars de plus… Et même quand ils achètent ! Ne méritent-ils pas plus de mépris encore ? Quand on a réussi à les manœuvrer pour leur faire acheter une camelote dont ils ne voulaient pas, qui ne leur servira à rien et qui sera passée de mode ou cassée avant même que son crédit à la consommation ne soit remboursé !

Et comment consommer sans haïr et mépriser en retour ? À l’exacte hauteur de toutes les bassesses commerçantes, à l’aune de la morgue snobinarde du boutiquier de luxe, au miroir de ses propres incapacités pécuniaires ?

Et les uns et les autres ne s’en privent pas.
Et peut-être est-ce encore trop, cette aumône de rancœur mesquine adressée à l’autre.

Moi client, aux boutiquiers je leur jette mes piastres à la tête. Mais c’est encore leur accorder trop d’importance que de leur signifier mon mépris : la plupart du temps je ne daigne pas accorder plus d’attention aux vendeurs qu’à ma carte bleue : ce sont des outils au service de ma consommation, et un bon outil sait se faire oublier : il accomplit sa fonction dans la transparence et l’indifférence de son usager contenté et ignorant de lui, et oublieux même de cette ignorance devenue une seconde nature.

Les vendeurs et leurs algorithmes qui vous nassent du consommateur plus sûrement qu’un banc de sardines ne me contrediront pas ! Des chiffres et des clics : exit cette insupportable humanité !

Ô délices du consumérisme moderne…

Et puis les anarchistes qui rêvent de proscrire le commerce ne m’incitaient pas à affiner mon jugement : après tout adore ce que ton ennemi abhorre !

Mais toute cette belle morale n’est plus… Les contrebandiers me l’ont ravie !
J’ai mesuré combien tout ce que je croyais être intrinsèque au commerce ne l’était pas, ou plutôt ne l’était qu’à un certain type de commerce : le commerce à prix fixe.

C’est que dans mon empire policé (il manque un « i » non ?) le marchandage est devenu rarissime. Mais sur cette îlot galactique de la Tortue ou mon rafiot était en rade je me suis pris de plein fouet cet autre commerce : le prix marchandé.

Cette raclure de garagiste a lésé tout ce qu’il a voulu de ma majesté ! Et son prix était si délirant que même MOI je n’ai pu y couper : soit je négociais soit je devais vendre mon Empire contre un carburateur ![1] L’ordure ! Il m’ a contraint – que la Force me soutienne – à avoir un rapport social !!! Me placer contre mon gré sur un pied d’égalité…avec LUI ! Et ses mains noires de crasse, et son bagout bouseux d’engeance interstellaire !

J’ai compris pourquoi une vraie dictature se devait de prohiber le marchandage : suffit de cet odieux véhicule d’humanité ! J’ai enfin saisi ce que le terme d’échange commercial peut recouvrir d’odieusement social peut-être même… d’égalitaire !

Vite donnez-moi de l’internet ! Une carte bleue ! Une existence de vendeur à annihiler par mon indifférence !

*******

[1] Mon Royaume pour un cheval…moteur !

Catégories
Pouvoir des peintres de mondes Pouvoir économique Pouvoir médiatique

LA PUBLICITÉ VOUS RÉGIT

La théorie économie orthodoxe nous dit que la publicité n’est qu’un simple service d’information au consommateur. Nous le savions déjà : les économistes orthodoxes sont d’une mauvaise foi qui frôle la stupidité.

La publicité cherche à influencer le consommateur. Pour lui faire acheter plus, ou lui faire acheter autre chose que ce qu’il aurait spontanément fait, ou changer ses représentations.

Clamer que nous serions imperméables à son matraquage omniprésent est pour le moins osé. Évidemment vous vous dites que VOUS, vous ne vous y laissez pas prendre. Vous avez tort : l’exception, c’est moi, l’Empereur omniscient au brillant cerveau indomptable. Ah ah les andouilles ! Comme s’il suffisait d’une réclame de sabre-lasers écarlates pour aller m’en faire acheter un. Alors que je sais très bien, moi, que je voulais en changer ! Et puis non mais au secours !? Regardez-moi ce vieux laser rubis, c’est sooooo old republic ! 

Hum hum bref…

Des économistes se sont amusé à chiffrer que la publicité ferait augmenter la consommation de 6,8 %[1]. J’aurais dit 6,876 % personnellement, mais bon…

Enfin clamer que les consommateurs ne s’y laissent pas prendre revient à soutenir que chaque année les milliards investis en publicité par les entreprises [2] le sont en pure perte. Il faudrait donc tout à la fois croire les consommateurs parfaitement intelligents et les patrons d’entreprises parfaitement stupides…

Conclusion (divulgalerte)  : la publicité nous influence bel et bien.

La question cruciale serait plutôt : pourquoi nous laissons-nous faire ?

Et l’on retrouve les brillants économistes orthodoxes, qui faute de nous avoir convaincu une première fois changent leur fusil d’épaule : les agents économiques (entendez : nous autres consommateurs) sont parfaitement rationnels (rien que ça !) donc s’ils se laissent faire, c’est qu’ils doivent y trouver leur intérêt par ailleurs.

Et dans ce « par ailleurs » j’ai vu y mettre à peu près tout et n’importe quoi : création d’emplois, financement des médias, financement de services et contenus qui peuvent alors être rendus gratuits au consommateur, épanouissement personnel dans la consommation ou encore défense de la publicité comme produit culturel en soi qui mérite d’exister.

Ce délicieux pot-pourris de balivernes mérite un article entier pour être battu en brèche. Patience !Mais une fois cela accompli, restera entière la question : pourquoi les « démocraties » acceptent-elles la simple existence de la publicité ?

Interdire la publicité, mon Dieu vous n’y pensez pas ?!
Moi non, mais les démocrates non plus ! Surprenant ? Peut-être si vous preniez encore les démocrates pour des audacieux…

******

[1] Alternatives Économiques, mars 2021, Et si on imaginait un monde sans pub, page 28. Citant une étude états-unienne portant sur la période 1975-2006 et se fondant sur l’évolution de la consommation des produits en fonction de l’intensité de la promotion dont ils font l’objet

[2]Ibid, en 2018 cela représente 33 milliards d’euros en France soit 1,4 % de son PIB. Au niveau mondial les chiffres seraient de l’ordre de 600 milliards d’US$ soit 0,7 % du PIB mondial (données wikipedia, page en français sur la publicité).

Catégories
Pouvoir économique

L’ENTREPRISE À SON PROPRE JEU

Avec une grave solennité, ainsi s’adresse la République à ses enfants :
« Ô noble jeunesse, futurs citoyens, chérissez votre liberté ! Défendez âprement votre égalité ! Soyez moteurs de la cité, critiques, indépendants ! Et quand vous accéderez à la vie active obéissez au patron car sinon vous aurez le code du travail contre vous. »

Pour l’effet comique la première injonction pourrait suffire. Le citoyen actif ! Il y a décidément des blagues qui ne vieillissent pas, ou presque… Mais à cette ironie (certes un peu éventée) j’avoue préférer la loufoquerie absurde qui boucle le tout. Ce discours sentencieux qui se saborde et sombre dans la plus grotesque contradiction… impayable ! Non vraiment la « démocratie libérale » recèle, outre son intitulé, des trésors d’humour.

J’aurais presque de la compassion pour ces pauvres citoyennes et citoyens écartelés par les injonctions contradictoires. Féodalisme au travail ! Agora dans les interstices ! Il faut tout de même avoir l’échine souple pour réussir à se contorsionner ainsi plusieurs fois par jour…***

Qu’ai-je dit ?!? Déjà j’entends la meute hurler à la mort : « Et sans un chef qui décide, vous pouvez me dire comment va tourner une entreprise ? »

Mieux.
C’est ce qui est délicieux avec tous ces auto-proclamés « réalistes » : leur refus de se confronter aux faits. Car la sociologie a abondamment étudié, documenté, analysé et tranché la question: quand est-ce que le salarié est le plus efficace ? Quand il a le plus d’autonomie possible.

« Mais bien sûr ! Les patrons s’amusent à sacrifier de l’efficacité – donc in fine des profits – pour le seul plaisir de brimer ? »

Et bien…oui ! À tout prendre le patron capitaliste préférera le contrôle à l’efficacité. Absurde ? Non. C’est qu’il a compris la grande leçon : l’entreprise est une entité politique. Enfin je dis « compris » mais c’est exagérer de beaucoup l’intelligence de certains patrons. Les capitaines d’industrie du XIXème eux avaient compris : quand les ouvriers faisaient grève pour exiger des choses choquantes comme par exemple une journée de moins de douze heures, l’interdiction du travail infantile (et pour explorer les tout petits boyaux de charbon comment on fait hein?!?), ou une revalorisation des salaires la réponse était simplet et évidente : on faisait donner la troupe. Si par malheur la grève s’enkystait, se laissait-on dicter les conditions par la plèbe ? JAMAIS ! On fermait l’usine quitte à y sacrifier des profits, parfois sa fortune entière. Mais c’était le prix. Le prix assumé pour maintenir les gueux à leur place et la bourgeoisie à la sienne. Ça c’était une classe qui savait se défendre ! Pas de faux fuyants moraux ou intellectuels, on regardait la réalité droit dans les yeux !

Les patrons d’aujourd’hui…quelle pitié ! Pas tous évidemment : pour se hisser et se maintenir milliardaire il faut encore (et il faudra toujours) atteindre cette qualité-là de conscience politique, cette férocité qu’exige le vrai pouvoir. Mais quant au petit et moyen patronat…

Encore une fois c’est tout le problème des dictatures : elles s’échinent tant à gaver toute le monde de justifications fallacieuses qu’elles finissent par être encerclées de décérébrés, jusque dans leurs propres rangs.

Combien y en a t-il de ces chefs de service, petits ou gros directeurs qui croient sincèrement dans la vertu de leur management vétilleux et infantilisant ? Que c’est leur auguste « supervision » et leur cornacage incessant qui garantissent la cadence et l’efficacité ? Combien à vraiment croire que les employés seraient trop fainéants, trop bêtes ou trop inaptes pour s’organiser efficacement par eux-mêmes ? Comme si tout groupe humain laissé libre était voué au chaos…

L’entreprise est une entité politique. Dans son action extérieure comme dans sa vie intérieure. Et fort heureusement on maintient l’essentiel de l’humanité 8 heures par jour dans le féodalisme. Mais déjà je vois des coopératives toujours plus nombreuses et bien portantes ! Déjà le patronat allemand s’est fait arracher 50 % de voix aux conseils d’administration et tout le monde a fini par s’en satisfaire ! Et l’on réclame d’étendre cette odieuse façon aux industries françaises, qui seules encore savent être tenues (par les patrons de leurs patrons).

Autocrates libéraux, en vérité je vous le dis, prenez garde ! Cette génération ne passera pas que vous serez dépossédés de votre pouvoir si vous ne réagissez vite !

Catégories
Pouvoir économique Pouvoir médiatique

MÉDIALOMANIE

On peut acheter les titres de presse comme des boîtes de petits pois. C’est sans doute que pour les « démocraties représentatives » tout cela a plus ou moins la même valeur.

On devrait pourtant avoir plus d’égard pour les petits pois. Est-ce bien raisonnable de laisser toutes ces belles conserves à la merci du plus offrant ? Qui vous dit qu’un jour l’essentiel des petits pois ne sera pas possédé par une poignée de milliardaires ?

Est-ce un mal me diront les plus angéliques ? Ces riches philanthropes, si une telle envie leur prenait, le ferait évidemment par pur amour désintéressé du petit pois, par abnégation envers les maraîchers.

Puis prenez une filière comme les petits pois, quoi de mieux pour garantir son indépendance  que de la racheter intégralement ?

Je ne sais pas moi, on pourrait juste faire un chèque par exemple non ? Non vraiment ? Bon ben non apparemment… Il faut croire que l’indépendance sous contrôle est de meilleure qualité que l’indépendance tout court.

Quoi ? ça ne prouve rien ? Les petits pois ne sont peut-être pas plus mauvais qu’avant ?

Il est vrai que sous la régence des milliardaires-philantropes les maraîchers autrefois chiches et décimés sont devenus prospères et pléthore, les conserveries qui vivaient à la diable croulent désormais sous les investissements, et quant aux cueillettes au long cours périlleuses et incertaines (mais seules capables de dégoter un petit pois d’exception) c’est bien simple : de mémoire de fourrageur on ne se souvient même plus à quand remonte la dernière fois qu’on les avait si généreusement financées !

Je me marre, je me moque mais bon : ce laisser-faire commercial sur les petits pois est regrettable. Mais fort heureusement il ne s’agit que de petits pois. Imaginez un peu le bazar s’il s’était agi du « quatrième pouvoir » si cher aux « démocraties représentatives ». Heureusement que ces merveilleux régimes sont assez sages pour ne pas abandonner ce bien si précieux aux mêmes lois du marché que celles qui régissent l’achat-vente des petits pois…

Vive les garde-fous ! Vive la liberté d’expression que la liberté de commercer ne saurait mettre à mal ! Vive la République ! Et vive la philanthropie !

Catégories
Pouvoir économique

RICHESSE

Je ne comprends pas cette mode de l’oligarchie.

J’entends bien que le contexte est propice : un capitalisme débridé d’une part, et d’autre part une débandade idéologique d’où ne ressortent que des politiques sans vigueur…

Mais enfin quoi ?!? Les oligarques sont toujours décevants.

Si ce n’est pour le comique de répétition : parvenir aussi systématiquement à se saborder tient vraiment de la prouesse ! Cette racaille de Bonaparte qui chipe le pouvoir aux grands bourgeois de la IIème République, tous les Khodorkovski embastillés ou mis en fuite par ce si brave petit Poutine « qui ne nous fera pas de vague »… Que voulez-vous ? Il va Nous falloir finir par croire les mots du philosophe : le principal reproche que je fais à l’argent ? c’est qu’il est bête.

C’est que le milliardaire ne voit plus le monde que sous forme de poignées de dollars. Il est devenu inapte à comprendre que l’argent n’est que l’une des formes de pouvoir, certes fort puissante, mais au bout du bout incomplète. Comprenez mes chers petits que l’argent achète et corrompt pour faire exécuter par autrui. Mais l’argent n’exerce pas directement le pouvoir : il ne sait que fabriquer des hommes liges et s’offrir des mercenaires.

Or les vassaux peuvent s’avérer fourbes et trompeurs, jouer leur propre partie.

Or les mercenaires sont par définition achetables donc sans loyauté, et motivés par le seul appât du gain (ce qui est bien peu face à des désespérés aux abois, ou à un corps de résistants qui défend une patrie ou un idéal chevillé à l’âme).

Les oligarques n’ont que la puissance de l’argent, et cette puissance ne sait parler qu’aux bas instincts. C’est tout à la fois le génie et la limite du capitalisme : s’appuyer sur les vices mesquins de l’être humain. Reconnaissons-lui néanmoins d’avoir su faire cela comme aucun autre système ! Même un George Orwell, qui a compris cette douce tyrannie du confort et de la paresse et s’y oppose de toute son âme ne sait s’en préserver tout à fait…et les Orwell sont bien peu nombreux parmi les humains !

Bref : les oligarques ont de faibles vues et l’oligarchie est une forme mesquine de dictature, qui ne parvient pas en tant que telle à exercer un pouvoir absolu.

Mais reconnaissons tout de même cette incomparable capacité à saper et subvertir les ci-devant « démocraties » représentatives : l’argent achète les magistrats, les policiers, les hauts fonctionnaires, les hommes politiques, si ce n’est les partis entiers, les médias de masse et partant l’opinion publique.

Dans les cas extrêmes d’avilissement l’argent achète directement l’électeur, petit ou grand.

Enfin, et avant toute chose : l’argent achète les vies : celles de tous ces gueux qui doivent travailler pour subvenir à leurs besoins et dont on peut acheter des heures d’existence, des journées d’existence, des semaines, des mois, des années d’existence ! Et il peut faire le chantage de ses vies qu’il tient : « Baissez-moi ces impôts ou je délocalise l’usine ! Donnez-moi cette subvention ou je vais m’implanter chez le voisin plutôt que chez vous ! Ce juteux marché accordez-le moi ou je jette mille familles sur le carreau et je vous en accuserai publiquement !»

Et vous savez la meilleure : tout le monde le sait ! De toute éternité chacun sait que l’argent est puissance.

Alors je contemple cette question qui me fascine : pourquoi les démocrates les plus sincères autorisent-ils une telle inégalité de puissance entre les individus ? Que peuvent-ils espérer retirer de démocratique d’une telle concentration d’argent sur une même tête ?

À leur place l’existence du moindre milliardaire me laisserait insomniaque.
Celle du moindre millionnaire ne me laisserait dormir que d’un œil…

Et ils dorment comme des bienheureux !

Finalement, on a peut-être trouvé plus bête encore que les oligarques !