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URGENCE

Amis despotes je ne vous apprendrai rien, même les démocrates l’ont compris1 – c’est vous dire si la leçon est facile à tirer – rien ne vaut un bon choc pour rogner des libertés2.

Si vous avez la classe impériale comme bibi, le choc vous le ferez advenir vous-même. Sinon, faute d’un tel génie machiavélique, vous devrez néanmoins savoir tirer profit des occasions que la vie vous offre parfois par surprise : le voisin vous déclare la guerre ? une catastrophe naturelle frappe le pays ? une petite pandémie des familles ? Ne loupez pas l’occasion !

Car vous le savez, les humains en général ont du mal à penser et anticiper l’extraordinaire et cela se reflète dans leurs constitutions. Tout au plus envisagent-ils – avec fort peu de suite dans les idées – les conséquences d’une guerre (car il y a toujours au moins un embryon de loi martiale esquissé). Mais quid des pandémies et autres catastrophes naturelles ou industrielles ? Quid des attentats terroristes qui ne sont pas à proprement parler une entrée en guerre ? Quid des pandémies ? Pour tous ces cas pourtant bien connus, ils se contentent le plus souvent d’une extension mal fagotée de la loi martiale, quand ils n’oublient pas purement et simplement l’encadrement juridique de ces situations de crise !

Et tout cela est du pain béni.

RÉAGIR OU PÉRIR ?

Car évidemment quand la Wehrmacht est à vos frontières, que la peste bubonique est sur votre sol, qu’un réacteur nucléaire est en train d’entrer en fusion, qu’une tempête solaire va frapper la terre et tous ses systèmes électriques d’ici quelques heures, ou que le World Trade Center est en train de tomber en morceaux, bref quand le corps social tout entier se sent en péril, même le plus fanatique des démocrates admettra qu’il vaut mieux mettre momentanément les libertés entre parenthèses pour gagner en réactivité plutôt que de succomber tout à fait !

Cette mise entre parenthèses des libertés, admises jusque chez les vrais démocrates, est évidemment une fenêtre de tir à ne pas louper ! Tout dictateur en devenir doit savoir qu’une démocratie sera d’autant plus fragile si (et par ordre décroissant de préférence) :

  • sa constitution ne prévoit aucune disposition d’exception ;
  • la seule disposition d’exception existante est la loi martiale (rien pour les autres cas : pandémies, catastrophes, attentats, etc.) d’autant plus si le peuple se trouve désarmé et le pays dépourvu de garde républicaine ce qui laissera l’armée maîtresse du pays ;
  • les dispositions d’exception existent mais les personnes qu’elles placent légalement aux manettes n’ont pas de compte à rendre, ne doivent pas justifier leurs actes (même après coup), et aucun pouvoir de contrôle n’est instauré simultanément à la mise en place du pouvoir d’exception ;
  • rien n’est précisé quant aux modalités d’application des lois et ordonnances prises dans l’urgence : lois temporaires dont la date de péremption ne saurait outrepasser tant de semaines ? Loi à validité (potentiellement) indéterminée mais assortie d’une procédure de réexamen obligatoire avant de pouvoir être reconduite pour une nouvelle période (dont la durée sera elle même fixée par la loi) ?

On ne compte plus les réussites dictatoriales qui surent exploiter l’une ou l’autre de ces faiblesses : Patriot Act états-unien au lendemain du 11 septembre 2001, État d’urgence français au lendemain des attentats djihadistes de 20153, dans une moindre mesure mais tout de même : État d’urgence sanitaire français bricolé à la hâte suite au COVID-194.

Les démocrates sont déjà infoutus d’anticiper l’extraordinaire qui s’est déjà produit, alors quant à penser celui qui n’est pas encore advenu… Et pourtant la vie est pleine de surprises ! Mais les démocrates ont le bon goût de continuer de ne rien prévoir. Même pas une disposition d’urgence générique (ils n’ont souvent que la loi martiale pour leur en tenir lieu) qui permettrait de parer au plus pressé tout en minimisant les risques de dérive dictatoriale.

Ahhhh l’avenir s’annonce palpitant !

*****

1 Mais croyez-moi une bonne grosse guerre civile ça se prépare, et faut pas économiser sa peine je peux vous le dire ! Et toutes ces chiffes molles d’oligarques prêts à se pisser dessus au moindre revers militaire et à vous planter là au beau milieu du conflit que vous avez mis vingt ans à faire advenir ! Ahhh je n’ai qu’un seul regret : c’est MOIIII qui aurait dû leur couper le cigare ! Cet empaffé de Vador il m’a salopé le travail en deux temps trois mouvements, alors que MOI, avec tous les ronds de chapeaux qu’ils m’ont fait accoucher par le trou de balle ! Je te les aurais asticotés toute la nuit oui ! Ahhhh la jolie et lente grillade d’oligarques que j’aurais faite ! Ça aurait peut-être puer la veille marée et le steak d’algues vu leur gueule mais je peux vous dire qu’ils auraient eu le temps de reconsidérer leur brillante carrière de boutiquiers aventurés en politique !

2 Naomi Klein, La Stratégie du choc : la montée d’un capitalisme du désastre (2007)

3 Ce sublime État d’urgence permit de surprendre sur le fait quelques terroristes et mafieux. Passé la première semaine et l’effet de surprise les policiers eux-même admirent qu’il ne servait plus à rien…du moins contre le terrorisme ! Car prolongé deux ans durant il permit d’interdire bon nombre de manifestations (on parla notamment des écolos durant le sommet de Paris) sous prétexte…de protéger ces manifestants qu’ils exposaient inconsidérément au danger d’un acte terroriste ! Cette jolie loi d’exception – votée par un “socialiste” à qui je tire ma capuche – n’aurait su être encore prolongée sans faire mauvaise impression. Aussi le brillant démocrate qui fut élu à la suite du précédent décida…d’en faire une loi tout court ! Et toutes ces belles dispositions liberticides sont depuis 2017 incorporées à l’état normal des choses de la glorieuse République française, autoproclamée patrie des droits de l’Homme… Beau boulot. Chapeau bas.

4L’état d’urgence sanitaire s’étire, s’étiiiiire. Et les décisions qui sont prises par un conseil de… Défense !!! Ce qui veut dire que nous sommes en guerre, et que le virus risquant d’être informé des plans de bataille établis contre lui, les délibérations entourant ces “plans de guerre” doivent être gardées secrètes !!! Sublime.

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Penser le côté Lumineux (mais pas si brillant...) Pouvoir politicien

ET AVANT TOUT LA SANTÉ ?

Entre d’une part les français qui voudraient faire piquer de gré ou de force tous leurs concitoyens, et d’autre part ceux qui voudraient faire ce qui leur chante peu importe les conséquences pour la communauté, comment voulez-vous que je choisisse ?!? Je les aime d’amour tous les deux ! Les deux camps atteignent le même degré d’imbécilité démocratique.

Que c’est beau ce mépris pour la volonté d’autrui ! Que c’est émouvant cette absence d’appel au débat et à la délibération par le vote1 ! Décidément la dictature à de beaux jours devant elle…

Il faut dire qu’ils y mettent une magnifique dose de mauvaise foi de part et d’autre :

  • à entendre les uns : se faire vacciner sous la contrainte (je ne sais pas ce qu’est le passe sanitaire sinon…) ne serait pas attentatoire à la liberté de disposer de son corps ! Ou encore : le passe sanitaire ne serait pas attentatoire aux libertés : c’est vrai qu’on prive juste les gens d’une part significative de vie sociale (lieux de sociabilisation, de culture, maisons de retraite où se trouvent leurs proches, etc.) et qu’on leur interdit de prendre les transports en commun dont ils ont peut-être un besoin crucial…
  • et à entendre les autres la maladie n’existerait pour ainsi pas, l’impact sur les hôpitaux débordés ne vaudrait pas la peine d’y prêter attention (et on n’a qu’à former du personnel médical, en un claquement de doigt comme chacun se l’imagine bien), et les gens ne se contamineraient pas tant que ça après tout…

DE LA BONNE DÉCISION…

La première personne qui me demandera quelle est la bonne décision à prendre ? Elle sera passée au sabre laser ! Les bonnes (ou les mauvaises) décisions n’existent pas : vous croyez que la vie c’est une échelle qui va de zéro à dix et qu’on peut classer tous les choix sur cette échelle ? Alors allez vous faire gouverner par un algorithme et foutez le camp de ce blog ! Je forme des apprentis dictateurs, pas des moutons.

Il n’y a pas de plus ou moins bonne décision, parce que la question n’est pas sanitaire. Oui tout à fait ! Vaccination ? Passe-sanitaire ? Pas sanitaire. Ou plutôt pas sanitaire en premier lieu. La question est d’abord politique. Apprentis autocrates demandez-vous toujours : est-ce que les gens décident de leur sort ? Ou est-ce qu’on décide à leur place ? C’est à ces questions que vous devez répondre pour juger de l’état politique d’un pays (et des chances de le pousser vers plus de dictature).

Je force un peu ? Voulant vous faire l’avocat des anges vous vous dites qu’il y avait urgence et péril en la demeure et que même une démocratie doit s’autoriser certaines choses dans ces circonstances ? J’y viens mes petiots, j’y viens…

TROIS BOGUES POUR UN DÉMOCRATE

Sous cette question de la politique vaccinale en situation de pandémie se trouvent réunis trois bogues majeures aptes à faire déraper une démocratie. Prenez des notes car cela va être dense. Si dense qu’après vous avoir exposé ces trois bogues démocratiques il me faudra encore consacrer un article à chacune d’elle pour vous les expliquer par le menu.

Nous avions donc ici avec le COVID-19 et cette politique vaccinale la rare conjonction de trois pierres d’achoppement, trois choses que les démocrates pensent mal ou ne pensent pas du tout (d’ailleurs… pensent-ils ?) et qui sont :

  • l’urgence du péril collectif (ne serait-ce qu’urgence relative);
  • des droits et libertés qui ne se nourrissent pas les uns les autres mais empiétement les uns sur les autres ;
  • des libertés et droits fondamentaux à renégocier – dans une typique situation de dualité de l’individu (être autonome ET composante du corps social).

Un seul de ces points peut suffire à faire déraper une société qui se veut démocratique : occasions en or à ne louper sous aucun prétexte ! Mais quand vous en avait trois réunis en même temps comme ici, c’est bien simple : même un incapable comme Macron sait en tirer profit !

Ah mes chers disciples ce programme pour les trois articles à venir me met l’eau à la bouche !

[1]De part et d’autres il existe évidemment quelques casse-pieds démocrates (qui voudraient débat et délibération quitte à ce que ce ne soit pas leur avis qui l’emporte) mais heureusement ils sont minoritaires ! Et puis les médias, fort à propos, ne leur tendent pas le micro.

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Penser le côté obscur Pouvoir politicien

ET SI L’ALEA EN EST JETÉ ?

Vous souvenez-vous du 21 décembre 2012 ?
Encore une promesse de gascon ! Mais bon cette Apocalypse exotique avait eu le mérite de nous divertir…et de nous instruire : je me souviens que le Courrier International avait fait un réjouissant petit dossier sur les annonces de fin du monde passées, présentes et à venir :

  • recension des prophéties jamais advenues ;
  • liste des quelques descentes aux enfers avérées (Pompéi, effondrement civilisationnel des fameux Mayas de l’âge classique, puisqu’on parle d’eux…) ;
  • et surtout : les quelques scénarios de possibles et plausibles Apocalypses à venir : éruption volcanique massive, holocauste nucléaire (belliqueux ou accidentel), impulsion électro-magnétique dévastatrice issue d’une éruption solaire massive, et puis tout simplement…une bonne grosse grippe ! [1]

Ces scénarios sont certes peu probables, mais sont tous plausibles et possibles. Et les deux derniers annonçaient un impact démultiplié en cas de non-préparation des autorités.

Je m’étais alors naïvement demandé si les différents gouvernements de cette bonne vieille Terre avaient des plans d’urgence pour faire face à ce type de crise, et si les services vitaux de l’État (armée, police, pompiers, hôpitaux, production d’énergie [2]) étaient parés voire régulièrement entraînés afin d’être aussi prêts que faire se peut à la survenue d’un éventuel jour J. Je n’en aurais pas mis ma main à couper…

Nous avons eu la réponse en 2020. Le Vietnam et la Corée du Sud étaient prêts. La Nouvelle-Zélande aussi (ou a su rapidement l’être). Et les autres ? Les 200 autres gouvernements de la planète ?

Et bien disons que s’ils avaient pris la chose avec le sérieux de l’un de ces trois pays l’épidémie aurait été jugulée et étouffée en quelques mois avec sans doute moins de 10 000 morts à déplorer à l’échelle planétaire…

Je ne parlerai même pas du fait que plus d’un an après le début de la crise, de nombreux gouvernements continuent d’avoir une politique inconséquente (du n’importe quoi intégral d’un Bolsonaro, au « simple » dilettantisme incohérent[3] d’un Macron)…

Et il ne s’agit que d’un virus de petit joueur : 0,5 à 5 % de létalité, ne décimant que la vioquerie. Dans le cas d’une grippe à 10 ou 20 % de létalité touchant jeunes comme vieux, la panique, couplée à l’impréparation gouvernementale aurait pu aboutir à un effondrement complet : plus personne n’osant se rendre au travail, ipso facto plus personne pour faire tourner les centrales électriques, les réseaux hydrauliques, les hôpitaux, la chaîne industrielle (notamment pharmaceutique et sanitaire)…

Mais ce qui m’intéresse dans tout cela ce ne sont pas tant les gouvernements de la planète (et leur incurie désormais avérée), mais plutôt les gens forts diplômés qui m’entouraient en 2012 : ces personnes sans doute très fières de leur instruction comme de leur esprit critique affûté se refusaient à partager mes doutes : il leur semblait évident que nos gouvernements (éclairés, planificateurs et dûment organisés) devaient avoir dans leur besace des plans d’urgence pour faire face à toutes les circonstances envisageables.

RAISONNABLE, QUAND TU NOUS TIENS…

Il y a un orgueil des gens « raisonnables ». Allant souvent de pair avec un certain dédain pour les pensées excentriques. Or ce qui caractérise la « pensée raisonnable » ce n’est pas de faire preuve de plus de raison : c’est de faire preuve de plus de moutonnerie : être raisonnable c’est suivre la voie médiane : suivre le flot dominant : des événements, des opinions, des mentalités, des gens…

Et certes cette forme de « pensée » s’accompagne de pronostics qui tombent souvent justes – après tout le plus probable se niche souvent dans la continuité de l’existant – mais elle s’avère très peu apte à prendre au sérieux tout le reste : tout ce qui déroge : l’excentrique, la rupture, le choc, le hautement improbable mais qui pourtant survient, et le révolutionnaire enfin, quand le feu qui couvait sans qu’on daigne y prêter garde tout à coup embrase et emporte tout sur son passage.

Nous le savons pourtant : la vie est tissée de continuité autant que de surprises. Mais cette connaissance est une connaissance « froide » : bien des gens l’intègrent intellectuellement mais ne parviennent pas à y croire dans le fond de leur cœur – si ce n’est qu’ils s’y refusent, plus ou moins consciemment. Car qui oserait s’avouer à lui-même qu’il nourrit cette passion aussi féroce que fort répandue : le confort intellectuel ?

Pourtant cette passion, il vaudrait mieux la connaître et la reconnaître, car elle a pour prix à payer deux lourds tributs : la peur du changement, et l’impréparation.

Je connais des républiques satisfaites qui ne s’en sont pas remises…

*****

[1] Je ne résiste pas au plaisir de vous recommander un peu d’Histoire épidémiologique : https://www.youtube.com/watch?v=cEeh23R7Ag8

[2] je me dis désormais qu’il faudrait rajouter : industrie, notamment l’industrie pharmaceutique et sanitaire, mais pas que…

[3] à date de début mai 2021, il n’y a toujours pas de contrôle aux frontières assorti d’une mise en quarantaine systématique. Mesure qui figurait dans le plan d’urgence anti-pandémie de 2005 exhumé par le Canard Enchaîné en mars 2020, jamais appliqué par le gouvernement de 2020…pas même un an après le début de la pandémie et alors que le Vietnam et la Nouvelle-Zélande ont démontré que seule cette stratégie permettait de contrôler la circulation du virus et alors que de nombreux variants (brésiliens, indien) menacent de pénétrer et déferler sur le territoire français. Cette incurie va de pair avec la doctrine néolibérale du laisser-faire. À cette occasion parodions Franklin : « Les peuples qui entre la Santé et la Croissance du PIB choisissent la deuxième ne méritent ni l’une ni l’autre et finiront par perdre les deux ».