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ET SI L’ALEA EN EST JETÉ ?

Vous souvenez-vous du 21 décembre 2012 ?
Encore une promesse de gascon ! Mais bon cette Apocalypse exotique avait eu le mérite de nous divertir…et de nous instruire : je me souviens que le Courrier International avait fait un réjouissant petit dossier sur les annonces de fin du monde passées, présentes et à venir :

  • recension des prophéties jamais advenues ;
  • liste des quelques descentes aux enfers avérées (Pompéi, effondrement civilisationnel des fameux Mayas de l’âge classique, puisqu’on parle d’eux…) ;
  • et surtout : les quelques scénarios de possibles et plausibles Apocalypses à venir : éruption volcanique massive, holocauste nucléaire (belliqueux ou accidentel), impulsion électro-magnétique dévastatrice issue d’une éruption solaire massive, et puis tout simplement…une bonne grosse grippe ! [1]

Ces scénarios sont certes peu probables, mais sont tous plausibles et possibles. Et les deux derniers annonçaient un impact démultiplié en cas de non-préparation des autorités.

Je m’étais alors naïvement demandé si les différents gouvernements de cette bonne vieille Terre avaient des plans d’urgence pour faire face à ce type de crise, et si les services vitaux de l’État (armée, police, pompiers, hôpitaux, production d’énergie [2]) étaient parés voire régulièrement entraînés afin d’être aussi prêts que faire se peut à la survenue d’un éventuel jour J. Je n’en aurais pas mis ma main à couper…

Nous avons eu la réponse en 2020. Le Vietnam et la Corée du Sud étaient prêts. La Nouvelle-Zélande aussi (ou a su rapidement l’être). Et les autres ? Les 200 autres gouvernements de la planète ?

Et bien disons que s’ils avaient pris la chose avec le sérieux de l’un de ces trois pays l’épidémie aurait été jugulée et étouffée en quelques mois avec sans doute moins de 10 000 morts à déplorer à l’échelle planétaire…

Je ne parlerai même pas du fait que plus d’un an après le début de la crise, de nombreux gouvernements continuent d’avoir une politique inconséquente (du n’importe quoi intégral d’un Bolsonaro, au « simple » dilettantisme incohérent[3] d’un Macron)…

Et il ne s’agit que d’un virus de petit joueur : 0,5 à 5 % de létalité, ne décimant que la vioquerie. Dans le cas d’une grippe à 10 ou 20 % de létalité touchant jeunes comme vieux, la panique, couplée à l’impréparation gouvernementale aurait pu aboutir à un effondrement complet : plus personne n’osant se rendre au travail, ipso facto plus personne pour faire tourner les centrales électriques, les réseaux hydrauliques, les hôpitaux, la chaîne industrielle (notamment pharmaceutique et sanitaire)…

Mais ce qui m’intéresse dans tout cela ce ne sont pas tant les gouvernements de la planète (et leur incurie désormais avérée), mais plutôt les gens forts diplômés qui m’entouraient en 2012 : ces personnes sans doute très fières de leur instruction comme de leur esprit critique affûté se refusaient à partager mes doutes : il leur semblait évident que nos gouvernements (éclairés, planificateurs et dûment organisés) devaient avoir dans leur besace des plans d’urgence pour faire face à toutes les circonstances envisageables.

RAISONNABLE, QUAND TU NOUS TIENS…

Il y a un orgueil des gens « raisonnables ». Allant souvent de pair avec un certain dédain pour les pensées excentriques. Or ce qui caractérise la « pensée raisonnable » ce n’est pas de faire preuve de plus de raison : c’est de faire preuve de plus de moutonnerie : être raisonnable c’est suivre la voie médiane : suivre le flot dominant : des événements, des opinions, des mentalités, des gens…

Et certes cette forme de « pensée » s’accompagne de pronostics qui tombent souvent justes – après tout le plus probable se niche souvent dans la continuité de l’existant – mais elle s’avère très peu apte à prendre au sérieux tout le reste : tout ce qui déroge : l’excentrique, la rupture, le choc, le hautement improbable mais qui pourtant survient, et le révolutionnaire enfin, quand le feu qui couvait sans qu’on daigne y prêter garde tout à coup embrase et emporte tout sur son passage.

Nous le savons pourtant : la vie est tissée de continuité autant que de surprises. Mais cette connaissance est une connaissance « froide » : bien des gens l’intègrent intellectuellement mais ne parviennent pas à y croire dans le fond de leur cœur – si ce n’est qu’ils s’y refusent, plus ou moins consciemment. Car qui oserait s’avouer à lui-même qu’il nourrit cette passion aussi féroce que fort répandue : le confort intellectuel ?

Pourtant cette passion, il vaudrait mieux la connaître et la reconnaître, car elle a pour prix à payer deux lourds tributs : la peur du changement, et l’impréparation.

Je connais des républiques satisfaites qui ne s’en sont pas remises…

*****

[1] Je ne résiste pas au plaisir de vous recommander un peu d’Histoire épidémiologique : https://www.youtube.com/watch?v=cEeh23R7Ag8

[2] je me dis désormais qu’il faudrait rajouter : industrie, notamment l’industrie pharmaceutique et sanitaire, mais pas que…

[3] à date de début mai 2021, il n’y a toujours pas de contrôle aux frontières assorti d’une mise en quarantaine systématique. Mesure qui figurait dans le plan d’urgence anti-pandémie de 2005 exhumé par le Canard Enchaîné en mars 2020, jamais appliqué par le gouvernement de 2020…pas même un an après le début de la pandémie et alors que le Vietnam et la Nouvelle-Zélande ont démontré que seule cette stratégie permettait de contrôler la circulation du virus et alors que de nombreux variants (brésiliens, indien) menacent de pénétrer et déferler sur le territoire français. Cette incurie va de pair avec la doctrine néolibérale du laisser-faire. À cette occasion parodions Franklin : « Les peuples qui entre la Santé et la Croissance du PIB choisissent la deuxième ne méritent ni l’une ni l’autre et finiront par perdre les deux ».

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Par Palpatoche

Empereur galactique

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